L'affaire Corneille-Molière

 

                                                    RÉSUMÉ

     L’affaire Corneille-Molière divise les Français en deux camps : ceux qui

   acceptent la thèse officielle qui fait de Molière un « génie insurpassable »

  et ceux qui, à la suite de Pierre Louÿs, voient en Molière le Bouffon du Roi,

    le patron d’une entreprise théâtrale et le prête-nom de Pierre Corneille.






Introduction


Selon Pierre Louÿs, « il y a vingt mille vers de Corneille que bientôt on ne pourra plus signer Molière. Les poètes comprendront sans peine que l’auteur de Sganarelle n’ait pas écrit sitôt après, à quarante ans, L’Ecole des Femmes. On n’apprend à l’âge d’Arnolphe ni le violon, ni la danse de ballet, ni la virtuosité suprême du vers et du style cornéliens. Je sais bien que tout est simple pour la crédulité des moliéristes, même ce que Molière leur raconte sur les naissances miraculeuses des Fâcheux et de Psyché. Mais les élèves de Paul Lacroix [célèbre moliériste] entendent peu de chose à l’Histoire et moins encore à la dramaturgie. Et rien à l’âme de Corneille »1.  



I- Ce qu’est l’affaire Corneille-Molière


Depuis 1919, l’affaire Corneille-Molière divise les Français en deux camps : ceux qui acceptent la thèse officielle qui fait de Molière un « génie insurpassable » et ceux qui, à la suite de Pierre Louÿs, voient en Molière le Bouffon du Roi, le patron d’une entreprise théâtrale et le prête-nom de Pierre Corneille.

Les défenseurs de cette thèse révolutionnaire (étymologiquement : qui ramène les choses à leur point de départ) sont appelés les cornéliens par opposition aux moliéristes et corneillistes officiels.

Derrière « La gloire de Molière » (titre d’un ouvrage collectif publié en 1973) les cornéliens perçoivent la gloire de Louis XIV et la revanche discrète de Pierre Corneille.

Où certains voient un défenseur des Droits de l’Homme, les cornéliens n’aperçoivent que le Bouffon du Roi à qui tout fut permis.

Où beaucoup admirent un écrivain inspiré, les cornéliens débusquent un prête-nom.

Et où les moliéristes applaudissent un « génie universel » selon la formule de Désiré Nisard, les cornéliens découvrent l’entreprise Moliere et Cie.    



II- Petit historique


1919 : L’écrivain, poète et érudit Pierre Louÿs, après plusieurs années de recherches stylistiques, annonce en octobre 1919, dans les journaux Le Temps et Comœdia, que la pièce Amphitryon (1668) n’est pas de Molière, mais de Pierre Corneille. Cette affirmation provoque une effervescence dans le milieu universitaire et journalistique. De plus, Pierre Louÿs met en doute la paternité de toutes les pièces dites "sérieuses" de Molière, notamment L’Ecole des Femmes (1662), Tartuffe (1664), Le Misanthrope (1666), Les Femmes savantes (1672), et les attribue à Pierre Corneille. La coalition est telle que Louÿs ne peut faire valoir les très nombreux indices et arguments qu’il a accumulés. Son décès en 1925 met fin au « scandale ».


1957 : L’écrivain Henry Poulaille publie Corneille sous le masque de Molière afin de démontrer la validité des thèses de Pierre Louÿs. L’ouvrage ne suscite presque aucun écho.


1990 : L’avocat belge Hippolyte Wouters publie Molière ou l’auteur imaginaire ? qui reçoit en France un accueil polémique.


2002 : L’universitaire Dominique Labbé, spécialiste du calcul de la distance intertextuelle, annonce le résultat de ses travaux sur le corpus Corneille-Molière : seize pièces de Molière sont de Pierre Corneille. Cela fait l’effet d’une bombe. Comme pour Pierre Louÿs, on ne permet pas à Dominique Labbé, accusé d’être un mystificateur, de prouver sa bonne foi. Il publie Corneille dans l’ombre de Molière, histoire d’une découverte (2003).


2004 : L’écrivain et chercheur Denis Boissier dans L’Affaire Molière parvient sur un plan historique et littéraire aux mêmes conclusions que Dominique Labbé.


2006 : L’Association cornélienne de France ouvre le site corneille-moliere.org (site officiel de l’affaire Corneille-Molière) qui rassemble chercheurs, historiens, écrivains, professeurs de Lettres, journalistes littéraires et personnalités du théâtre. Leurs études, associant la carrière de Pierre Corneille et celle de Molière, présentent un faisceau d’indices précis, graves et concordants.

Jean-Jacques Lefrère et Jean-Paul Goujon, le second étant le spécialiste de Pierre Louÿs, publient « Ote-moi d’un doute… » l’énigme Corneille-Molière. C’est la première fois que des universitaires reconnaissent qu’il y a matière à enquête.


2007 : France 2, dans le cadre de son émission « Secrets d’histoire », diffuse un dossier intitulé « Molière a-t-il écrit ses pièces ? » au cours duquel sont présentés les partisans des deux thèses. L’émission élargit l’audience de cette « affaire » dont l’écrivain Eric Dussert a écrit qu’elle est « un Watergate de la recherche universitaire »2.

L’Association cornélienne de France édite hors commerce la thèse de mille pages de Denis Boissier Molière, Bouffon du Roi et prête-nom de Corneille.


2008 : Dans son essai L’Histoire interdite l’historien Franck Ferrand, qui défend les thèses de Pierre Louÿs, veut combattre l’inertie intellectuelle de ces « historiens, professeurs, journalistes et comédiens prosternés devant la statue de Jean-Baptiste Poquelin ».

Le site corneille-moliere.org propose une version grand public de la thèse de Denis Boissier sous le titre Tous savoir sur l’affaire Corneille-Molière

Le professeur Mikhaïl Marusenko et Mme Eléna Rodionova, diplômée de la chaire de linguistique mathématique, tous deux chercheurs à l’Université d'Etat de Saint-Pétersbourg, font connaître leurs travaux sur la paternité des œuvres de Molière. Résultat : Pierre Corneille est l’auteur, notamment, du Dépit amoureux, de L’Ecole des Maris, des Fâcheux, de L’Ecole des Femmes, de Tartuffe et des Femmes savantes, avec une probabilité supérieure à 95%.


2009 : L’universitaire Dominique Labbé publie son essai Si deux et deux sont quatre, Molière n'a pas écrit Dom Juan.



III- La thèse des cornéliens (les continuateurs de Pierre Louÿs) 


  1. 1)Molière était le Bouffon du Roi


Dans son « Premier placet présenté au Roi sur la comédie du Tartuffe » (1664), Molière déclare : « Sire, Le devoir de la comédie étant de corriger les hommes en les divertissant, j’ai cru que, dans l’emploi où je me trouve, je n’avais rien de mieux à faire que d’attaquer par des peintures ridicules les vices de mon siècle […] ». Georges Couton commente : « Le mot emploi a toujours une coloration officielle et ne peut pas désigner, je crois, la simple vocation de comédien. C’est que Molière est déjà un personnage officiel »3.

Ce « personnage officiel » qui, tout en étant comédien, est davantage qu’un comédien puisqu’il est "intouchable" et a pour rôle « d’attaquer par des peintures ridicules les vices » est le Bouffon du Roi4. L’Eglise, la Cour et l’intelligentsia ont défini Molière comme le « Premier farceur de France » (Somaize, 1660), le  « bouffon du temps » (Montfleury, 1663), le « premier fou du Roi » (Le Boulanger de Chalussay, 1670), le « Héros des farceurs » (Conrart), voire comme le « démon vêtu de chair » (abbé Roullé, 1664), ou « homme et démon tout ensemble » (le sieur de Rochemont, 1665). Molière est le point de mire de toutes les classes sociales. Il devient la bête noire d’une confrérie de dévots aussi puissante que discrète : la Compagnie du Saint-Sacrement. Comme le Bouffon du Roi est un sujet tabou, la Gazette officielle ne mentionnera jamais le nom de Molière. L’Eglise lui refusera un enterrement en terre chrétienne, alors qu’elle l’accordait à des comédiens licencieux et libertins comme les farceurs Scaramouche ou Poisson.

On recense chez Molière les caractéristiques qu’ont toujours présentées les Bouffons du Roi : 

• Le  Bouffon du Roi a un physique disgracieux. Molière a « le nez gros, la bouche grande, les lèvres épaisses, le teint brun, les sourcils noirs et forts » (Mlle Poisson, in le Mercure de France, mai 1740). Il a « une volubilité de langue, dont il n’était pas le maître » (Grimarest, Vie de M. de Moliere, 1705). « Molière n’était pas beau […] il faut même parler de laideur »  (Antoine Adam)5.

• Le Bouffon du Roi amuse son Maître grâce à des farces ou des ballets ; il  aime monter sur scène et s’offrir en spectacle. 

• Le Bouffon du Roi défend, favorise ou illustre la politique de son Maître et se fait l’intermédiaire entre celui-ci et le peuple. 

• Le Bouffon du Roi ne s’oppose jamais à son Maître. 

• Le Bouffon du Roi suscite autant l’enthousiasme du peuple que la haine de l’élite qui se sent lésée par l’injustice du Roi en faveur de son protégé. 

• Le Bouffon du Roi gagne beaucoup d’argent et gère parfaitement sa fortune. Molière gagna plus d’argent en quatre ou cinq ans que Corneille durant ses cinquante ans de carrière.

• Le Bouffon du Roi s’habille de vert. Pour  le moliériste Edouard Fournier : « En adoptant le vert, Molière avait fait choix de la couleur des bouffons »6. Pour son biographe Jean Meyer : « Le vert, couleur des bouffons, est sa couleur et domine dans son appartement »7.

• Le Bouffon du Roi n’écrit jamais lui-même. En revanche, sont publiées sous son nom quantités d’ouvrages de factures diverses. C’est ce qui se passa pour Molière, dont son contemporain Adrien Baillet écrit : « On prétend qu’il ne savait pas même son théâtre tout entier »8.

Si l’on tient compte du "bouffonnariat", inhérent au règne de Louis XIV, la collaboration Corneille-Molière s’explique et la question de la paternité des œuvres de Molière est résolue : jamais, au cours de l’histoire, les bouffons du Roi n’ont écrit les œuvres publiées sous leur nom. En revanche, comme ils ont toujours été les instruments de la politique royale, plusieurs plumes travaillaient pour eux pour la plus grande gloire du Roi9


2) Le théâtre moliéresque était une arme politique aux ordres de Louis XIV

 

Molière s’en est pris :

• aux marquis qui font perdre son temps au Roi (Les Fâcheux, L’Impromptu de Versailles) ;

• aux comédiens de la Troupe Royale qui ennuient le Roi avec des tragédies aux vers « ronflants » (L’Impromptu de Versailles) ; 

• aux Précieuses qui ont la volonté de s’émanciper (Les Précieuses ridicules, La Comtesse d’Escarbagnas, Les Femmes savantes) ;

• aux intellectuels et aux érudits non pensionnés (donc indépendants) regroupés sous le titre de "pédants" (La Critique de l’Ecole des Femmes, Les Femmes savantes) ;

• aux dévots, notamment au prince de Conti (L’Ecole des Maris dans son premier acte, Tartuffe ; Dom Juan) ;

• aux maris égoïstes qui ne veulent pas prêter leurs femmes à leur Roi (La Princesse d’Elide, Amphitryon) ;

• aux médecins du Roi qui ont trop tendance à utiliser Louis XIV comme cobaye des méthodes de soins les plus "modernes"  (L’Amour médecin) ;

• à tous ceux qui veulent accéder à la noblesse pour échapper à l’impôt (George Dandin, Monsieur de Pourceaugnac, Le Bourgeois gentilhomme) ;

• à ceux qui empêchent les capitaux de circuler en thésaurisant à l’excès (L’Avare) ;

etc.   


3) Molière : contexte et prétexte à ne pas écrire


Pendant ses quinze années de carrière parisienne Molière est tout à la fois :

• Bouffon du Roi et organisateur permanent des Divertissements de la Cour (théâtre, ballets et fêtes, carnavals, charivari, mascarades, soirées…).

• Valet de Chambre et « courtisan très assidu » comme en témoigne son homme de confiance La Grange10.

• Tapissier du Roi, autrement dit décorateur-assemblier pour toutes les cérémonies et tous les déplacements royaux.

• Régisseur du Palais-Royal, théâtre le plus rentable de Paris.

• Chef de troupe et metteur en scène (130 pièces).

• Vedette qui joue les plus longs rôles (2 500 représentations).

Dans ces conditions, comment aurait-il pu consacrer des milliers d’heures à lire, à écrire et à corriger ? Molière donne l’impression d’avoir tout lu, de maîtriser plusieurs langues ainsi qu’un vocabulaire extraordinairement varié, bien souvent spécifique à différents corps de métier. Or l’inventaire après décès a montré que la bibliothèque de Molière contenait moins de deux cents ouvrages, à une époque où un simple bourgeois en possédait au moins un millier. Plusieurs collaborateurs occasionnels et la participation prépondérante du très érudit Corneille expliquent comment, en dépit de ses multiples activités professionnelles toutes parfaitement bien rétribuées, Molière a pu fournir dans le meilleur délai les spectacles que lui commandait le Roi.  


4) Les problèmes inhérents à la thèse officielle :


                                        EN CE QUI CONCERNE MOLIÈRE


Absence de textes manuscrits

Nous n’avons de Molière aucune œuvre manuscrite, aucune épreuve d’édition, aucune correspondance, aucun billet doux ou professionnel, aucun livre annoté de sa main, aucune dédicace, aucun brouillon de pièce en chantier. Encore plus inexplicable : alors que la mode était aux correspondances d’hommes célèbres, aucune lettre de Molière n’a été citée ou éditée par un tiers. 


Les grandes disparités de style du théâtre moliéresque

Il existe de si grandes disparités de style entre les différentes pièces signées Molière, ainsi qu’à l’intérieur de chacune d’elles, que le pire côtoie le meilleur. Pour le moliériste Daniel Mornet : « Il y a un style de Regnard, un style de Marivaux, un style de Beaumarchais, même un style de Nivelle de la Chaussée, qui est détestable, ou un style des drames de Diderot, qui n’est pas meilleur. Il n’y a pas de style de Molière »11. De même pour Robert Garapon, « j’en viens à me demander s’il est vraiment légitime de parler du style de Molière »12.  


Molière fut le prête-nom de Donneau de Visé

La Veuve à la mode (1667) de Donneau de Visé a été, du vivant de Molière, publiée comme œuvre de ce dernier. Molière fut bien le prête-nom de De Visé car nous n’avons jamais eu écho du moindre différend entre les deux intéressés. De Visé est proche de Molière, de Thomas et Pierre Corneille. 


Similitude entre l’alexandrin de certaines pièces signées Molière et celui de Pierre Corneille

Comment une vedette de la scène dont la vie et les goûts sont à l’opposé de ceux de Pierre Corneille a-t-il pu rejoindre Pierre Corneille par l’écriture jusqu’à se confondre avec lui, alors que le style de Corneille n’a jamais pu être imité par aucun dramaturge, même par son rival Jean Racine, même par Thomas Corneille pourtant formé par son aîné ?

L’opinion de quatre spécialistes :

• « Ce qui abonde dans Molière, et ce qui, à tout moment, éclate avec énergie, une plénitude, qui nous font penser, malgré les différences des genres, aux traits sublimes dont Corneille est rempli. C’est la même franchise, le même élan, la même naïveté, dans un ordre de pensées et de sentiments opposés. » (Alexandre Vinet)13.

• « Molière, par la façon pittoresque et rocailleuse dont il lui arrive de dire les choses, ressemble à Corneille ; il en a la rudesse, les formes oratoires, les traits sublimes : il en a aussi le forcé et le prétentieux. » (Jean-Jacques Weiss)14.

• « Les vers de Molière ont exactement tous les caractères que nous avons essayé de faire ressortir dans les vers de Corneille. C’est le même poète qui semble écrire. On retrouve dans les comédies [de Molière]  cet équilibre, cette facture spéciale avec les mots forts placés aux temps forts. […] Les idées de Pierre Louÿs, jadis scandaleuses, doivent, à mon avis, être considérées avec la plus grande attention. » (René-Albert Gutmann)15.

• « Pour ce qui est d’Amphitryon, je viens de relire attentivement ce chef-d’œuvre, en en comparant le texte avec celui de Plaute et celui de Rotrou, et je crois bien que Pierre Louÿs a un peu raison : une partie doit être de Corneille. Ce sont les mêmes rythmes caressants avec les mêmes tours délicieux, qu’on retrouve dans Psyché. […] Il est probable qu’Amphitryon aura été écrit en collaboration et que les scènes ravissantes d’Alcmène auront été faites par Corneille sur un scénario convenu entre les deux auteurs. » (Alfred Poizat)16


Le calcul de la distance intertextuelle dans le corpus Corneille-Molière

Pour le scientifique Dominique Labbé seize pièces de Molière ont, par rapport à la comédie Le Menteur de Corneille, une distance intertextuelle inférieure à 0,25, ce qui « permet d’affirmer avec certitude que l’auteur est le même […] Prenez Racine : la distance intertextuelle qui sépare sa première tragédie, La Thébaïde ou les Frères ennemis (1664), des pièces de Corneille, donne 0,26. Bref, le premier Racine "fait" du Corneille. Mais dès l’année suivante, avec Alexandre, on est au-dessus de 0,3. Or, entre Corneille et Molière, cette distance est continue, quinze ans durant ! A la trentième œuvre, c’est un peu louche, non ? »17


La technique statistique de la "reconnaissance des formes" dans le corpus Corneille-Molière

En 2008, le professeur Mikhaïl Marusenko et Madame Eléna Rodionova, diplômée de la chaire de linguistique mathématique, tous deux chercheurs à l’Université d’Etat de Saint-Pétersbourg, publient leurs travaux sur la paternité  des œuvres de Molière. Sur un corpus de treize pièces en vers de Molière, les algorithmes de « la reconnaissance des formes » (méthode statistique basée sur la syntaxe propre à chaque auteur) confirme que Le Dépit amoureux, L’Ecole des Maris, Les Fâcheux, L’Ecole des Femmes, Tartuffe, Les Femmes savantes sont attribuables à Pierre Corneille avec une probabilité supérieure à 95%. Sganarelle, Le Misanthrope, Mélicerte, La Pastorale comique obtiennent un degré de probabilité allant de 63 à 73%. Les trois autres pièces analysées (L’Etourdi, Dom Garcie de Navarre, La Princesse d’Elide) sont de différents auteurs non définis, à l’exception de L’Etourdi (1658) attribuable, avec une probabilité de 68%, à Philippe Quinault. Ce dernier fut le collaborateur de Molière pour le Prologue de Psyché (1671), pièce écrite pour l’essentiel par Pierre Corneille. Il est à regretter que les nombreux vers libres contenus dans la comédie Amphitryon l’aient écartée du corpus étudié car cette pièce est une de celles qui doit le plus à Corneille.

L’article en langue anglaise de M. Marusenko et de Mme Rodionova paru en 2009 dans Journal of Quantitative Linguistics, puis la publication en 2010 de la thèse soutenue par Mme Rodionova n’eurent aucun écho chez les dix-septiémistes français.


Le jugement des contemporains de Molière

Les contemporains de Molière l’accusèrent en tant que comédien d’avoir pris son jeu et ses postures au célèbre comique italien Scaramouche (dont il était l’ami), mais aussi aux farceurs Trivelin et Tabarin ; en tant qu’"auteur" d’être un plagiaire et d’utiliser des collaborateurs anonymes :

- « On ne peut pas dire qu’il soit une source vive, mais un bassin qui reçoit ses eaux d’ailleurs » (Charles Robinet, 1663).

- « Les enfants [de Molière] ont plus d’un père [...] le Parnasse s’assemble lorsqu’il veut faire quelque chose » (Donneau de Visé, 1663).

- Molière est « un homme qui n’est riche que des dépouilles des autres » (de La Croix, 1663)

etc.

• Ses contemporains le comparaient au comique latin Térence. Or pour les lettrés du XVIIe siècle, Térence passait pour avoir été le prête-nom de Scipion (235-183 avant J.C.) qui se nommait aussi… Cornélius.

• Jamais un écrivain n’a dédié une œuvre à Molière.

• Au XVIIe siècle, personne n’a songé à étudier son "théâtre" car tout le monde le savait écrit à plusieurs mains.

  1. Dans sa Satire à M. de Moliere (1664), Boileau écrit : 


   Rare et fameux esprit, dont la fertile veine

Ignore en écrivant le travail et la peine ;

      Pour qui tient Apollon tous ses trésors ouverts,

             Et qui sait à quel coin se marquent les bons vers. […]

 
La thèse officielle interprète cette satire comme un éloge sincère. Or une satire est toujours ironique, ce que confirment Boileau et son disciple Le Verrier dans leurs commentaires manuscrits : « L’auteur donne ici à son ami une facilité de tourner un vers et de rimer, que son ami n’avait pas, mais il est question de le louer et de lui faire plaisir »18. Un témoignage corroboré en 1705 par Grimarest qui précisera dans sa Vie de M. de Moliere que ce dernier « était l’homme du monde qui travaillait avec le plus de difficulté », et quelques pages plus loin : « comme je l’ai dit, il ne travaillait pas vite, mais il n’était pas fâché qu’on le crût expéditif. »

Tous ses contemporains sont d’accord : Molière n’a pas les qualités requises pour être l’auteur des Fâcheux, de Tartuffe, du Misanthrope, ni même de Psyché


Le jugement des institutions

• Extraordinairement protégé par Louis XIV, Molière, s’il avait été un véritable écrivain, aurait eu son propre théâtre. Mais le Roi ne s’est jamais fait d’illusion sur lui et l’a toujours cantonné avec la troupe de farceurs du célèbre Italien Scaramouche à la réputation sulfureuse.

• S’il avait été un écrivain véritable exerçant en plus le métier de comédien, Molière aurait aisément obtenu de Louis XIV que l’Académie française fasse une exception pour lui (elle en en avait fait une pour Pellisson, élu en 1653 sans que sa candidature soit mise au vote). Si Louis XIV l’avait voulu, il aurait imposé Molière aux académiciens comme il leur imposera Furetière puis Boileau. Mais ni Molière ni Louis XIV lui-même ne pouvaient aller contre le tabou qui empêchait de faire entrer le Bouffon du Roi à l’Académie française. Comme le constatait l’historien Paul Lacroix, « personne n’aurait eu l’idée de voir Molière entrer à l’Académie française »19


                                  EN CE QUI CONCERNE PIERRE CORNEILLE 


• Pierre Corneille était LE collaborateur idéal :

il a commencé sa carrière comme "fournisseur" de la troupe de Mondory,

il a été le collaborateur littéraire du cardinal de Richelieu et celui de son riche intendant Desmarets de Saint-Sorlin,

il a longtemps été un « poète comique » très applaudi,

il maîtrise parfaitement la comédie et la satire,

il n’a jamais refusé une commande,

il a toujours cherché à mêler comédie et tragédie (tous les chefs-d’œuvre signés Molière sont à la frontière des deux genres),

il ne fréquente aucun salon littéraire et a des comptes à régler depuis 1637 avec les doctes, depuis 1642 avec les dévots et les Précieuses,

il est tenu, à cause de ses six enfants, de gagner toujours plus d’argent,

il est d’un tempérament secret et mystificateur,

il est d’une rapidité d’exécution étonnante.


• Pierre Corneille a toujours écrit dans le même temps des pièces diamétralement opposées, tant par le sujet que par le traitement : Clitandre et Mélite ; Le Cid et L’Illusion comique ; La Mort de Pompée et Le Menteur. Dans l’Epître du Menteur (1644), il s’enorgueillit de cette ambivalence :  « On aura de la peine à croire que deux pièces d’un style si différent soient parties de la même main dans le même hiver. »  Déjà, dans la préface de Clitandre (1632), à propos de son autre pièce Mélite, il constatait :  « jamais deux pièces ne partirent d’une même main, plus différentes d’invention et de style. » 


• Corneille ne s’est jamais intéressé à la mise en scène et n’a donné d’indications scéniques pour aucune de ses trente-cinq pièces. Il n’a même pas voulu, dans ses Discours (1660) sur la dramaturgie, aborder la question de la représentation. 


• Corneille a été présent à toutes les étapes importantes de la carrière de Molière :

1643 : La Troupe prend pour nom L’Illustre Théâtre justement quand une édition des œuvres de Pierre Corneille paraît sous le titre : L’Illustre Théâtre.

- La carrière de Poquelin commence par un séjour de plusieurs mois à Rouen où habite Pierre Corneille. De retour à Paris, il a pour pseudonyme « Moliere » (toujours orthographié sans accent), sans doute de l’ancien verbe molierer = légitimer. Pierre Corneille sera l’auteur que « Moliere » jouera le plus et paiera le mieux.


1653 : La Troupe met en scène en province l’Andromède de Corneille, en présence du collaborateur musical de Corneille, Charles Dassoucy.


1655 : Représentation à Lyon de L’Etourdi, première pièce faite « maison ». Dassoucy est encore là et Corneille séjourne à Bourbon, près de Lyon.


1658 : Mai : Thomas Corneille explique dans une lettre qu’il attend la venue de Madeleine Béjart et de sa troupe (Molière n’est encore qu’un comédien parmi les autres).

- juin-juillet : Long séjour de la troupe à Rouen et lecture chez les Corneille du roman  La Précieuse  de leur ami l’abbé de Pure, source des Précieuses ridicules.

- Octobre : Corneille et Molière quittent Rouen pour Paris.

- Octobre/novembre : La troupe de Madeleine Béjart/Molière représente devant le Roi plusieurs pièces de Pierre Corneille.


1661 : Ouverture du théâtre du Palais-Royal, dirigé par Molière. 


1662 :  Installation définitive des frères Corneille à Paris. Les grandes pièces moliéresques vont désormais se succéder.


1667 : Création par Molière de la tragédie Attila de Corneille (payée 2 000 livres, quatre à cinq fois plus que tout autre auteur).


1670 : Création par Molière de la tragédie Tite et Bérénice de Corneille (payée 2 000 livres).


1671 : Psyché (le plus grand succès de Cour de Molière et de Corneille).


1672 : Pulchérie de Corneille est écrite pour Armande Béjart, l’épouse de Molière. Trop épuisé par la maladie Molière ne créera pas cette tragédie.


1673 : Décès le 17 février de Jean-Baptiste Poquelin, dit « Moliere ».


1673 et années suivantes : Amitié entre Corneille et Michel Baron (le disciple de Molière). Thomas Corneille, en accord avec son frère, sauve de la faillite la troupe d’Armande, devenue directrice à la mort de Molière. 


• Ce que nous apprend l’abbé d’Aubignac sur Pierre Corneille

Dans sa Quatrième dissertation (1663) l’érudit et théoricien du théâtre d’Aubignac accuse Pierre Corneille de s’être « abandonné à une vile dépendance des histrions ». Les histrions sont les bouffons de profession. Or, en 1663, Corneille vient de faire jouer sa tragédie Sertorius. L’abbé n’a bien évidemment pas en tête le grand comédien tragique Floridor, né gentilhomme. D’ailleurs, pour montrer les inconvénients qu’il y a pour Corneille de se commettre ainsi, d’Aubignac ajoute : « Il y a bien de la différence entre un honnête homme qui fait des vers, et un poète à titre d’office ; le premier s’occupe pour le divertissement de son esprit, et l’autre travaille pour l’établissement de sa fortune ». Rappelons qu’« à titre d’office » est une formule employée pour le Bouffon du Roi.

D’Aubignac accuse aussi Corneille d’être « le Marquis de Mascarille, qui parle toujours, piaille toujours, ricane toujours, et ne dit jamais rien qui vaille ». Pour la critique moderne, l’équation Mascarille = Corneille est incongrue autant qu’infondée car Corneille n’a rien à voir avec le théâtre de farce. Or le nom de Mascarille ne vient pas par hasard sous la plume de l’abbé. Comme le souligne Georges Couton, «  les polémistes appellent couramment Molière Mascarille »20. Pour d’Aubignac comme pour tous ses contemporains, Molière est un mystificateur qui se fait passer pour celui qu’il n’est pas. Ce personnage colle à la peau de Molière depuis Les Précieuses ridicules (1659). Sans ce rapport avec Molière, l’équation Corneille = Mascarille ne s’explique pas, surtout si l’on se réfère au portrait pompeux et solennel que la critique moderne s’obstine à faire de Corneille, d’autant plus en 1663 où il vient de faire jouer Sertorius et écrit sa tragédie Othon. D’Aubignac reproche donc à Pierre Corneille sa duplicité : d’un côté, le poète se drape dans sa toge de grand auteur tragique, de l’autre il travaille discrètement à gagner le plus d’argent possible avec une troupe de farceurs  : « On vous connaît pour un poète qui sert depuis longtemps au divertissement des bourgeois de la rue Saint-Denis et des filous du Marais, et c’est tout ». Cette phrase dévoile la collaboration Corneille-Molière car ainsi que le précise le moliériste François Rey, « les courtisans et les "bourgeois de la rue Saint-Denis" […] constituent le gros du public de Molière » (François Rey)21.   


                 EN CE QUI CONCERNE LE DOGME OFFICIEL DE MOLIÈRE :


Le dogme officiel de Molière « auteur de génie » est loin de faire l’unanimité, même chez les moliéristes, et suscite des interrogations et des soupçons :


• « Alors que la littérature du XVIIe est si abondante sur l’œuvre d’un Corneille et d’un Racine, pourquoi est-elle si pauvre sur celle de Molière ? […] J’ai eu la curiosité de lire toutes les préfaces de ces auteurs dramatiques dont beaucoup, comme Molière lui-même, furent comédiens et parfois de sa troupe même : Baron, Boursault, Brécourt, Champmeslé, Thomas Corneille, Donneau de Visé, Hauteroche, Montfleury père et fils, La Tuilerie, Raymond Poisson, Quinault, Rosimond, Brueys et Palaprat, Regnard, Dufresny, Dancourt ; pas un ne cite le nom de Molière, ne fait allusion à son œuvre. » (Georges Mongrédien)22.


• « Et d’abord, qu’on ne s’y trompe pas.  Ce sont les siècles suivants qui ont placé Molière sur le piédestal  où nous le trouvons. » (Henry Lyonnet)23.


• « Conçoit-on ce qu’il y a de ridicule et de faux à transformer Molière, ce familier de toutes les heures, ce pensionné des listes intimes en un libelliste, un antagoniste du Roi-Soleil quand sur un geste de ce maître les bastilles se referment, les galères se peuplent, les bûchers grésillent. Molière, au plus beau moment de l’élévation et de la fortune des Jésuites, les jouant en face de toute la Cour, cela est vraiment original ; car cela n’a pas l’ombre du sens commun. Transformer Molière en mystificateur de Louis XIV, de dix mille grands seigneurs, de tous les Jésuites de France et de Navarre, c’est vraiment faire de ceux-ci, de ceux-là, du Roi même, un peuple de portiers. » (Louis Lacour)24.


• « Je vois bien en effet deux hommes dans Corneille, mais le contraste se situe à l’intérieur de sa personne et se retrouve, exactement symétrique, à l’intérieur de son oeuvre. [...] Par contraste la vie de Corneille, si sage, si peu romantique, prend un caractère aussi prodigieux que le destin d’un Rimbaud, et peut-être plus prodigieux encore : car Rimbaud vécut successivement sa double existence, mais Corneille la vécut simultanément. » (Louis Herland)25.


• « Il n’est pas inconcevable que Molière ait confié ses manuscrits à Corneille afin qu’il y jette un œil. Corneille a pu proposer des modifications, revoir la versification. Molière pouvait trouver dans cette lecture experte une sécurité que l’urgence dans laquelle il travaillait ne lui procurait pas. » (André Le Gall)26.

Etc. 



IV- Caractéristiques sociologiques de l’affaire Corneille-Molière  


  1. 1)Pourquoi et comment en est-on arrivé à l’affaire Corneille-Molière


Amoureux de Madame de Maintenon et subissant l’influence de son nouveau confesseur, l’intransigeant Père Ferrier, Louis XIV devient vers 1675 un chrétien convaincu. Orientée vers le réalisme politique, la pensée chrétienne, dont les Jésuites sont le fer de lance, censure et édulcore la carrière du défunt Molière, efface son rôle de Bouffon du Roi, et après avoir converti Boileau et La Fontaine, détourné Racine et Quinault du théâtre, corrige toujours plus le récent passé dans le sens du nouvel ordre moral.


Quelques étapes :

En 1682 on oriente vers le "dévotement correct" la première biographie de Molière écrite par le comédien La Grange promu « très-honnête homme » et par Jean Vivot, officier de la Maison du Roi. Dans ces quelques pages le « Farceur » Molière est devenu un « parfaitement honnête homme ».

En 1705, pour sa Vie de Monsieur de Moliere, Grimarest gomme les scandales que le Farceur avait suscités (autrement dit l’essentiel de sa carrière), ne le présentant que comme bon mari et bon bourgeois. Fontenelle, le censeur royal qui délivre le privilège d’édition, est un neveu de Corneille. Il veut pour la mémoire de son oncle qu’il ait toujours été, lui aussi, « très-chrétien ». Il ne sera donc pas question dans cette biographie des relations entre Pierre Corneille et Molière. Grimarest se soumet à la censure, précisant : «  Je n’ai point eu intention de me donner mauvaise réputation », et raconte Molière non « comme Comédien, mais comme Auteur ». A cette époque était "auteur" le chef de troupe qui achète une pièce et en assume l’entière responsabilité, était "auteur" celui qui conçoit le plan d’une pièce et la fait écrire par un « commis d’écriture » que nous appelons aujourd’hui un « nègre » (les notions modernes d’auteur et de droits d’auteur n’apparaîtront qu’après la Révolution française). A propos de la Vie de Monsieur de Moliere, la "Bible" des moliéristes, Boileau, qui fut un proche de Molière, écrira à son disciple Brossette : «  Il est fait par un homme qui ne savait rien de la vie de Molière, et il se trompe de tout, ne sachant pas même les faits que tout le monde sait »27. 


La Révolution française (1789-1814) 

En raison du secret de fabrication des pièces signées « Moliere » et du nouvel ordre moral enclenché après 1675 qui entraîna une amnésie collective, la Révolution française peut désigner Molière comme "écrivain du peuple". Corneille et Racine sont jugés trop aristocratiques, et La Fontaine n’avait pas créé de personnages de fiction pouvant soutenir une propagande. Au prix d’un contresens historique, Molière, le plus royaliste des courtisans, est métamorphosé en précurseur des fiers républicains. On va jusqu’à récrire dans ce sens ses pièces sérieuses (celles qui, selon les cornéliens, ont été composées par Corneille).


La Restauration (1814-1830) 

« Savez-vous quand a commencé l’admiration absolue et de parti pris pour Molière ? Dans les premières années du XIXe siècle, à l’époque de la Restauration, quand s’était engagée la querelle entre le parti libéral et le parti congréganiste, c’est alors qu’on a sacrifié à Molière comme à une divinité, il avait fait Tartuffe, il devenait sacré ! […] Le valet de chambre tapissier de Louis XIV converti en citoyen ! » constate l’historien Jean-Jacques Weiss28.


Le Romantisme (1830-1870) 

Sur la lancée de l’esprit révolutionnaire, poètes et auteurs dramatiques font un héros de celui qui avait toujours obéi aux ordres de Louis XIV. On ne cesse d’écrire et de renchérir sur Molière.


• La IIIe République (1870-1940) 

Le culte national voué à Molière connaît son apogée entre 1870 et 1900 avec la création de la revue Le Moliériste en 1879. La bourgeoisie, s’appuyant sur la nouvelle Sorbonne (1888) et l’Ecole publique laïque, transforme Molière en icône, véhiculée par les œuvres fantaisistes des grands peintres et sculpteurs officiels. Pour combattre les Allemands qui ont Gœthe, on fait de celui qui était pour son contemporain Somaize le « Premier farceur de France » l’incarnation de l’esprit français. Pour contrer l’Eglise, Molière devient le parangon de l’esprit anti-clérical. Avec Molière, désormais thème obligé de tous les discours académiques, la bourgeoisie a fabriqué le mythe littéraire dont elle a besoin.


Les temps modernes 

Catapulté gloire nationale et génie universel Molière devient une légende cinématographique pleine de panache et un sujet de thèses tout azimut. L’Université oppose à la hauteur de Corneille jugé insuffisamment républicain la proximité de Molière, devenu "dieu du théâtre". Le moliériste Gustave Michaut écrira : «  C’est un de ceux en qui l’esprit français s’est reconnu avec le plus de complaisance ; et il l’a d’autant plus aimé qu’il s’aimait en lui. Et c’est pourquoi, de bonne heure aussi, cette admiration est devenue intolérante. Ses adorateurs n’admettaient point que l’on prétendît relever quelque imperfection en leur dieu »29. Et de conclure :  « Si dans les plus petits détails de la biographie de Molière sévit ainsi la légende, si elle transforme et déforme même les faits insignifiants, quels ravages ne doit-elle pas exercer quand elle s’en prend aux faits considérables et aux œuvres ? »30. 


  1. 2)Un affrontement aussi feutré qu’implacable


Dès l’annonce en 1919 par Pierre Louÿs des conclusions de ses recherches, un  rapport de force disproportionné s’instaura entre, d’un côté, la Sorbonne au grand complet, soutenue par la Comédie-Française, et de l’autre, un chercheur solitaire. Quolibets et insultes empêchèrent Louÿs d’exposer ses arguments. On l’accusa d’avoir monté un canular. N’avait-il pas en 1894, avec la publication des Chansons de Bilitis, montré de quoi il était capable ? On oubliait que Louÿs ne pouvait pas être tenu pour responsable si Gustave Fougères, maître de conférences de langue et de littérature grecques à la faculté des lettres de l’Université de Paris, avait affirmé en public avoir lu bien avant Louÿs les poésies de la Grecque Bilitis. Cet excès de vanité fut rudement puni : Bilitis était une création de Pierre Louÿs, lequel avait usé du droit éternel de tout poète de faire croire à ses lecteurs à l’existence de son personnage. Mais comme le constate son biographe Paul-Ursin Dumont, « les universitaires n’ont jamais pardonné cela à Louÿs »31.

L’accusation de canular évite aux professeurs de la Sorbonne de devoir remettre en cause le dogme qu’ils enseignent. Ainsi, en  2003, Georges Forestier, professeur à la Sorbonne, agacé par les conclusions du chercheur de l’Université de Grenoble Dominique Labbé (voir plus haut), publia un article intitulé : « L’affaire Corneille-Molière : d’un vrai canular à une fausse découverte scientifique »32. En 2007, ce même professeur mit en ligne un nouvel article, cette fois contre le site corneille-moliere.org : « L’affaire Corneille-Molière, suite de l’histoire d’un canular qui a la vie dure »33.

Assurés du soutien des institutions, les moliéristes nient purement et simplement l’existence d’une « affaire Corneille-Molière ». Pour eux, il n’y a pas de problème littéraire ou historique concernant la vie et la carrière de Molière : l’affaire Corneille-Molière est au mieux un canular, au pire une hérésie. 


3) L’Impossibilité d’un débat contradictoire


La caractéristique première de l’affaire Corneille-Molière, en l’état actuel des choses, est qu’elle ne peut obtenir de débat contradictoire, ni universitaire ni public. Molière est une icône intouchable. Il est « l’homme le plus humain, le cœur le meilleur » écrit en 1884 La Ville de Mirmont34, « le plus amical, le plus délicat, le plus tendre et le plus accessible aux détresses d’autrui »35 continue Georges Bordonove en 1967. Il est donc mal vu de douter de Molière. Cependant les sceptiques, tout au long des XIXe et XXe siècles, de Théophile Gautier à Jules Vallès, n’ont pas manqué d’élever la voix, même s’ils ont été peu entendus. En 1882, pour le critique littéraire Edmond Scherer, « l’admiration pour Molière est en train de passer aussi chez nous à cet état d’orthodoxie hors de laquelle il n’est point de salut. Nous avons trouvé ce qu’il fallait à notre besoin de culte reconnu et de croyance officielle... »36. En 2007, pour l’écrivain Martin Winckler, « d’un côté, une poignée de francs-tireurs armés de patience, de bon sens et d’humour. De l’autre, des poussahs psychorigides installés dans une forteresse »37.

Les moliéristes constituent une « chapelle » universitaire dont les membres se disent les « dévots de Molière », l’expression est employée dès le premier numéro de leur revue Le Moliériste. Selon le célèbre Ferdinand Brunetière, « Molière n’a pas seulement ses fidèles, il a ses dévots ; le culte que nous lui rendons deviendra même bientôt, si nous n’y prenons garde, intolérant comme une superstition ; déjà, fût-ce d’une main délicate et légère, on ne peut plus toucher à son ombre, sans faire crier quelqu’un de ses adorateurs ; on l’a bien dit, il est vraiment en train de "passer dieu" »38.

L’existence de ce culte unique dans les annales de la littérature, encouragé par les institutions officielles, autorise les moliéristes à couvrir d’opprobres ceux qui osent contredire le "dogme". Leur intransigeance est telle qu’ils se déchirent entre eux. Ainsi Paul Lacroix interpellant Louis-Auguste Ménard : « outrager l’honnête Molière et vouloir en faire le dernier des hommes, c’est plus que de la hardiesse et de la sottise, c’est du vertige et de l’aberration. O Molière, pardonne à ce malheureux ; il ne sait pas ce qu’il fait ! »39. Envers un non moliériste l’insulte est de rigueur. En 1990 Hippolyte Wouters témoigne qu’à la publication de son essai, Molière ou l’auteur imaginaire ?, «  pour avoir mis en doute la paternité de Molière sur certaines de ses œuvres, nous voilà – osons le mot – révisionnistes, voire négationnistes et donc prêts à remettre en cause le génocide des Juifs. Un peu comme si l’on était nazi parce qu’on emprunte des autoroutes… »40. En 2007, Georges Forestier, porte-parole des moliéristes, écrit à propos des nombreuses questions que certains se posent sur les obscurités de la vie et de la carrière de Molière : « toutes ces questions  ont été forgées par des gens malhonnêtes qui ont l’intention d’égarer les lecteurs de bonne foi »41. Interrogé par une journaliste, M. Forestier renchérit : « se demander si Corneille n’a pas écrit les pièces de Molière revient à se demander si les chambres à gaz ont bien existé ! C’est du révisionnisme ! »42.

L’Université pratique envers les candidats au doctorat une censure d’autant plus efficace que parfaitement encadrée. Gérard Moret, docteur en histoire, explique dans sa « Lettre ouverte à tous les étudiants qui préparent une thèse sur Molière »43 comment il découvrit, lors de sa soutenance de thèse44, que l’on n’avait pas le droit d’évoquer Pierre Corneille dans une étude sur Molière, encore moins d’envisager une interaction entre leurs deux carrières, à moins de vouloir définitivement s’aliéner la bienveillance du jury.

Pareillement, les éditeurs français ne veulent pas d’une thèse qui déplaît aux moliéristes de leur comité de lecture. Dans le domaine de la fiction, la censure s’exerce d’une manière tout aussi discrète. Le téléfilm produit en 2005 par France 3, Le Nègre de Molière, réalisé par Didier Bivel, et qui traitant de la collaboration Corneille-Molière montre de façon réaliste la situation de tout chercheur sur Molière qui s’oppose à la doctrine officielle, a été diffusé, après trois années de "placard", non pas en prime time comme il eût été normal pour un téléfilm familial inédit, mais à quatre heures de l’après-midi le samedi 2 août 2008, en plein aller-retour des vacanciers.

Le corneilliste André Le Gall a résumé la situation : « Corneille a-t-il écrit les œuvres de Molière ? […] C’est réellement la question piège. […] Or son simple énoncé déclenche un véritable branle-bas de combat, pour une raison qui se comprend immédiatement : pareille supposition jette à terre toutes les biographies et de Corneille et de Molière, tous les commentateurs de l’un et de l’autre, toutes les interprétations théâtrales, toutes les recherches, toutes les thèses et le présent livre tout le premier. La question ne doit pas être posée. Elle ne le sera donc pas »45.  



Conclusion provisoire

 

Peut-on dire de Molière qu’il fut un « grand auteur » s’il s’est voulu jusqu’à son dernier jour comédien, s’il a été connu par ses contemporains pour être un plagiaire et un entrepreneur de spectacles, s’il n’a jamais eu de style identifiable, s’il vivait à une époque où les comédies n’avaient pas d’auteur au sens moderne du mot parce qu’elles étaient écrites collégialement, si Molière n’a jamais confié ses soucis d’écriture ou d’inspiration mais seulement ses déboires de « Cocu » et de régisseur de théâtre, s’il n’a jamais été vu en train d’écrire, s’il n’a jamais corrigé les nombreuses éditions de "son œuvre", s’il n’a jamais laissé la moindre page ou la moindre correspondance manuscrite, si durant toute sa carrière de « premier farceur de France » Molière a vécu proche de Pierre Corneille, un être secret, satirique et rancunier qui savait manier tous les styles mais n’avait plus d’avenir littéraire ? 

De plus, si l’« Avertissement du Libraire au Lecteur » n’avait pas révélé le partenariat Corneille-Molière pour Psyché, jamais la critique moderne n’aurait supposé que Molière n’en était pas le véritable auteur, et la thèse de leur collaboration aurait été encore plus difficile à faire accepter.

Anatole Loquin, rédacteur de la revue Le Moliériste avant d’en être exclu, affirmait dès 1896 : « Des lueurs bien faibles, mais certaines, mais convaincantes, viennent nous indiquer de temps à autre que la vérité n’est nullement où l’on avait cru généralement la trouver jusqu’ici, et que L’HISTOIRE DE MOLIERE EST TOUT ENTIERE A REFAIRE »46.


                                                                                                                

                                            



 "Une collaboration", Jean-Léon Gérôme (1874).
 



NOTES ET RÉFÉRENCES


1-  « L’Imposteur de Corneille et le Tartuffe de Molière » in Comœdia, 7 novembre 1919.

2-  25 juillet 2006, sur le site « L’Alamblog ».

3- Molière, Œuvres complètes, Bibliothèque de la Pléiade, 1971, T. I, p. 1331.

4- Louis XIV a choisi Molière comme bouffon dès juin 1660, puisqu’il lui alloue, sur les fonds de l’Epargne, « 500 livres tournois dont Sa Majesté lui a fait don pour lui donner moyen de supporter les frais et dépenses qu’il lui convient de faire en cette ville de Paris où il est venu par son commandement pour le plaisir et la récréation de Sa dite Majesté, et ce pour les six premiers mois de ladite année. » Pour son biographe Roger Duchêne, d’après ce reçu, « Molière serait dès cette époque pensionné par le Roi qui aurait eu l’initiative de son retour dans la capitale, Monsieur n’étant que son protecteur apparent. » (Molière, 1998, p. 249).

5- Histoire de la littérature française au XVIIe siècle, 1997, T. II, p. 630.

6- Le Roman de Molière, 1863, p. 127, note 1.

7- Molière, 1963, p.163.

8- Le Jugement des savants sur les principaux ouvrages des auteurs, 1686.

9- L’on peut soupçonner d’avoir travaillé pour ou avec Molière : Neufvillaine, Charles Dassoucy, Edmond Boursault, Claude Chapelle, Jean Donneau de Visé, Adrien Subligny, Nicolas Boileau, le médecin Jean Mauvillain…

10- Préface à l’édition de 1682 des Œuvres de Monsieur de Moliere.

11- Molière, 1962, p. 183.

12- « Recherches sur le dialogue de Molière », Revue d’Histoire du Théâtre, n° 1, janvier-mars 1974, p. 63.

13- Poètes du siècle de Louis XIV, 1861, p. 375.

14- Molière, 1900, p. 48.

15- Introduction à la lecture des poètes français, 1946, p. 148.

16- « Corneille est-il l’auteur d’Amphitryon ? » in La Revue Bleue, novembre 1919, p. 685.

17- Cité dans Philippe Testard-Vaillant, « Un logiciel attribue 16 pièces de Molière à … Corneille », in Science et Vie, n° 1025, février 2003, p. 64.

18- Le Verrier, Les Satires de Boileau commentées par lui-même, publiées avec des notes par Frédéric Lachèvre, 1906, p. 26.

19- Iconographie moliéresque, 1876, p. 331.

20- Molière, Œuvres complètes, Bibliothèque de la Pléiade, 1971, T. I, p. 854.

21- Molière et le roi, l’affaire Tartuffe, 2007, p. 63.

22- Recueil des textes et des documents du XVIIe siècle relatifs à Molière, 1965, pp.14 et 16.

23- Mademoiselle Molière, 1932, p. 101.

24- Le Tartuffe par ordre de Louis XIV, 1878, p. 60.

25- Corneille par lui-même, 1961, pp. 81 et 82.

26- Pierre Corneille en son temps et en son œuvre, 1997, p. 473.

27- Lettre à Brossette du 12 mars 1706.

28- Molière, 1900, p. 7.

29- La Jeunesse de Molière, 1922, p. 10.

30- Idem, p. 21.

31- Pierre Louÿs, l’ermite du hameau, 1985.

32- Sur le site du Centre de Recherches sur l’Histoire du Théâtre.

33- Idem.

34- Personnages de jeunes filles dans le théâtre de Molière, 1884.

35- Molière, génial et familier, 1967, p. 84.

36- « Une hérésie littéraire », in Le Temps, 19 mars 1882.

37- « Corneille-Molière : itinéraire d’un sceptique », sur le site corneille-moliere.org, avril 2007.

38- « Les Dernières recherches sur la vie de Molière »,  Etudes critiques sur l’histoire de la littérature française, 1880-1907, 1ère série, p. 96.

39- In Le Moliériste, 1884, n° 62, p. 37.

40- « Molière : prière de ne pas toucher », sur le site corneille-moliere.org.

41- Sur le site du Centre de Recherches sur l’Histoire du Théâtre.

42- « Corneille fut-il le nègre de Molière ? » Delphine Peras, in Lire, février 2007.

43- Sur le site corneille-moliere.org, mai 2007.

44- Molière : portrait de la France dans un miroir, Université de Lille 3, 2004.

45- Pierre Corneille en son temps et en son œuvre, 1997, p. 470.

46- Molière à Bordeaux et ses fins dernières à Paris, T. II, pp. 537-538, in Actes de l’Académie de Bordeaux, 1896. 
 


SUR INTERNET


corneille-moliere.org (site officiel de l’affaire Corneille-Molière)


Sur la polémique de l'attribution par le calcul de la distance intertextuelle :

"Corneille a ecrit 16 pieces representees sous le nom de Moliere" 

Sur les travaux de l'universitaire Dominique Labbé :

"La distance intertextuelle et l’attribution d’auteur " 


Sur l'attribution par la technique de la "reconnaissance des formes" :

"Corneille-Molière" confirmation scientifique de leur collaboration par l'Université d'État de Saint-Pétersbourg

Mathematical Methods for Attributing Literary Works when Solving the "Corneille-Molière" Problem



BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE


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BOISSIER Denis, Tout savoir sur l’Affaire Corneille-Molière, 2008 (PDF mis en vente sur le site www.corneille-moliere.org)

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                   Au printemps 1658, la troupe de Madeleine Béjart / Molière    

                séjourna plusieurs semaines à Rouen, près des frères Corneille.