Historique argumenté de

l'affaire Corneille-Molière

 


Note d’intention

L’affaire Corneille-Molière est, par principe autant que par conviction, niée par l’immense majorité des dix-septiémistes de la Sorbonne. Dès lors, parler d’une affaire Corneille-Molière et en dresser un historique argumenté c’est, nécessairement, prendre parti pour ceux qui ne partagent pas la certitude (ou le préjugé) de l’orthodoxie ambiante. 

Denis Boissier 



"Corneille et Molière" ; graveur : Valentin-Maurice Borrel, 1858. 

Collection Musée Départemental Pierre Corneille, Petit-Couronne.




1660-1919 : les prémices de l’affaire  


1660/1673 (mort de Molière) – A propos de la première comédie jouée par Molière, Les Précieuses ridicules, l’écrivain Baudeau de Somaize écrit : « un ouvrage dont il se dit auteur »1.

• Le gazetier Robinet, qui n’était pas un ennemi de Molière, écrit « on ne peut pas dire que Zoïle [Molière] soit une source vive, mais seulement un bassin qui reçoit ses eaux d’ailleurs »2.

 L’écrivain De La Croix, qui n’était pas un ennemi de Molière, témoigne que Molière est « un homme qui n’est riche que des dépouilles des autres »3.

• L’écrivain Donneau de Visé, très au fait des coulisses des théâtres et proche de Molière, écrit que « le Parnasse s’assemble lorsqu’il [Molière] veut faire quelque chose »4. Son personnage Ariste, discutant des pièces de Molière avec l’élégante Clarice, affirme qu’« entre les personnes qui lui prêtent leur esprit, il y en a qui sont obligées d’être aussi scrupuleux que vous. »5

• En 1662, alors que le Ministère et le Parlement exercent une répression contre la littérature libre, Quinet, l’éditeur de Corneille, écrit à monsieur Hourlier, Lieutenant-général civil et criminel au baillage de Paris, en charge de la censure sur les librairies : « Il y a longtemps que j’avais résolu de vous présenter quelque chose qui vous marquât mes respects… » mais il n’avait rien « qui fût digne de vous être offert, et qui fût proportionné à vos mérites… ». Il est donc fier, aujourd’hui, de pouvoir lui offrir Le Dépit amoureux. Et de lui confier que cette comédie est « de l’Auteur le plus approuvé de ce siècle ». Or cette comédie est censée être de Molière qui a provoqué plusieurs scandales et est accusé « d’obscénité ». La périphrase « de l’Auteur le plus approuvé de ce siècle » ne peut pourtant concerner que celui qui est pour tous, notamment pour l’ordre établi, « la gloire de la France » et « le plus grand poète du monde pour le théâtre », ainsi que l’atteste le laconique commentaire de Costar sur Pierre Corneille dans sa liste de futurs pensionnés de Sa Majesté. Il est donc probable que Quinet veut rasséréner le Lieutenant-général, lequel, parfait représentant de l’ordre et des vertus aristocratiques, ne pouvait guère apprécier le « bouffon du temps » (Montfleury, 1663), celui dont le sieur de Rochemont va écrire en 1665 qu’il est le « diable incarné » dont le but est de « corrompre les mœurs », de « ruiner la créance en Dieu » et « faire monter l’athéisme sur le théâtre » (Observations sur une comédie de Molière intitulée Le Festin de Pierre). Puisque Quinet est avant tout l’éditeur de Pierre Corneille, l’on comprend pourquoi il s’est donné la peine, voulant offrir un  présent « qui fût proportionné à vos mérites », de se faire comprendre à demi-mot d’un aristocrate admirateur de Pierre Corneille (ils l’étaient tous).

• Pour les contemporains de Molière, « Molière = Térence ». Cette équation, le satiriste Boileau l’a aussi faite dans ses Stances à M. de Molière sur sa comédie de l’Ecole des Femmes que plusieurs frondaient (1663), publiées sans nom d’auteur : […] Celui qui sut vaincre Numance, / Qui mit Carthage sous sa loi, /Jadis, sous le nom de Térence, / Sut-il mieux badiner que toi ? […] ». Pourquoi Boileau fait-il allusion à quelqu’un qu’il ne nomme pas ? Pourquoi accoler au nom de Térence celui de l’érudit et homme politique Scipion Emilien (185-129 av. J.C) ? La réponse est simple : pour les lettrés du XVIIe siècle, Térence n’était pas l’auteur des pièces jouées sous son nom. Ils ne croyaient pas à son statut d’auteur parce que les contemporains de Térence eux-mêmes ne s’étaient guère fait d’illusions. Du vivant de Térence, on murmurait le nom du véritable auteur : Scipion Emilien. En précisant, sans le nommer, que Scipion est l’auteur des comédies de Térence, Boileau non seulement signale un fait que ses confrères lettrés connaissent bien, notamment parce que tous ont lu Suétone ou Montaigne, mais il donne à entendre que puisque Molière est semblable à Térence, quelqu’un est nécessairement pareil à Scipion. Or, quelle est la première caractéristique de Scipion ? Il est romain. Sous le règne de Louis XIV, un seul auteur est « romain » : Pierre Corneille. Les satiristes travaillaient en fonction de l’actualité. Au moment où le satiriste Boileau écrit ses Stances à M. de Molière, Corneille vient de faire jouer Sophonisbe. Cette tragédie a-t-elle un rapport avec Scipion ? Il n’est question que de lui…

• Profitant de l’allusion de Boileau dans les Stances à M. de Molière sur l’Ecole des Femmes, l’abbé d’Aubignac, dans sa Quatrième dissertation (1663), signifie dédaigneusement à Corneille qu’il « en a assez appris » (p. 120), l’accuse de s’être « abandonné à une vile dépendance des histrions (= bouffons) » (p. 118) et d’être devenu un « poète à titre d’office » (p. 119), formule qui s’applique au Bouffon du Roi. Il conclut : « On vous connaît pour un poète qui sert depuis longtemps au divertissement des bourgeois de la rue Saint-Denis et des filous du Marais, et c’est tout ». Autrement dit : d’être à la solde du bouffon nommé Molière dont le public était très précisément celui de la rue Saint-Denis et du Marais. D’Aubignac signifie à Corneille quelle place est désormais la sienne : « J’avais cru, comme beaucoup d’autres, que vous étiez le poète de La Critique de l’Ecole des Femmes, et que M. Lysidas était un nom déguisé, comme celui de M. de Corneille, mais tout le monde est trompé, car vous êtes sans doute (= sans aucun doute) le Marquis de Mascarille, qui parle toujours, piaille toujours, ricane toujours, et ne dit jamais rien qui vaille » (p. 141). Mascarille (= petit masque) était alors le surnom que beaucoup donnaient à Molière.

• A propos de la Satire à Monsieur de Molière (1663), dans laquelle Boileau vante le « rare et fameux esprit » et la « fertile veine » de Molière, Le Verrier, qui écrit sous le contrôle de Boileau, avoue : « L’auteur donne ici à son ami une facilité de tourner un vers et de rimer, que son ami n’avait pas, mais il est question de le louer et de lui faire plaisir. »  

• En 1665, un contemporain de Molière, qui signe le « sieur de Rochemont », nous apprend que Molière « parle passablement français » (Observations sur une comédie de Molière intitulée "Le Festin de Pierre").

• En 1666, le gazetier Charles Robinet écrit : « Molière, le dieu du rire » (La Muse historique, 31 octobre 1666). Le « dieu du rire » auquel fait allusion Robinet dans ce texte est Momus, le bouffon de Jupiter. 

• Une anonyme Lettre sur la comédie de l’Imposteur, datée du 20 août 1667,  défend Tartuffe attaqué de toutes parts. Sur un exemplaire cette lettre est signée « C ». Les moliéristes ne savent pas qui a pu écrire cette lettre. Pour le moliériste Georges Couton, « le ton de la Lettre est très remarquable : elle s’efforce de s’élever aux idées générales, et sans renoncer à la vigueur ne cherche pas à passionner le débat. C’est comme le factum d’un bon avocat qui entend éclairer l’opinion tandis que le procès n’est pas encore jugé. Confiant dans la parole du Roi que la pièce sera jouée, l’auteur ne veut pas braquer contre lui ces "puissances" hostiles que sont le premier président et l’archevêque par des propos violents ; il n’entend pas non plus reculer. Ce ton même dut être approuvé par Molière. » (La Pléiade Molière, I, p. 1014). Est-il vraiment impossible de trouver qui, dans l’entourage de Molière, a été avocat, ne veut pas envenimer la querelle des dévots (parce que nombre de ses amis le sont), vénère le Roi, et signe de l’initiale « C » ? Corneille a souvent signé « C » des poésies libertines. C’est également avec un « C » que l’édition de 1671 signalera sa participation majoritaire dans l’écriture de Psyché.

• En 1672 Corneille apporte au couple Molière une nouvelle tragédie, Pulchérie. Après Attila, Tite et Bérénice et Psyché, c’est la quatrième pièce qu’il écrit officiellement pour le metteur en scène et sa charmante épouse volage. « L’auteur a fait ce poème pour la merveilleuse Psyché ou Mademoiselle Molière »  témoigne Robinet, ami du poète. De même, Fontenelle  écrira que son oncle « s’est dépeint avec bien de la force dans Martian, qui est un vieillard amoureux » (Vie de Corneille, 1702). Ce personnage ressemble en effet beaucoup à Corneille, et l’âge de la Pulchérie historique a été diminué pour se rapprocher de celui d’Armande. Le personnage de Martian confie : « J’aime, et depuis dix ans ma flamme et mon silence/ Font à mon triste cœur égale violence »  (v. 413-414). Pulchérie datant de 1672, faut-il comprendre que le poète aime sans espoir Armande depuis 1662 ? C’était l’opinion du moliériste Louis Moland (Œuvres complètes de Molière, II, p. 77, note 1), qui, toutefois, ne vit pas que 1662 correspond à l’année de création de L’Ecole des Femmes, pièce au style cornélien qui précède de peu le mariage d’Armande avec le « premier Farceur de France » (Baudeau de Somaize, Les Précieuses ridicules nouvellement mises en vers, 1660, préface, p. 16).

• En 1672 Le Boulanger de Chalussay, apparenté à Molière, publie un ouvrage sur ce dernier, intitulé Elomire hypocondre, où il définit Molière/Elomire comme étant le «  premier fou du Roy ». Lorsque Le Boulanger annonça un second ouvrage, dans lequel il dirait toute la vérité sur Molière (songeait-il à sa collaboration avec Corneille ?) – Molière alla voir le Roi qui fit aussitôt interdire l’ouvrage. 

• Pour ses contemporains, Molière est ou était un « marmouset [= gnome] hideux » (Charles Jaulnay,  L’Enfer burlesque, 1677, p. 22), le « Singe de la vie humaine » (Chevalier, Les Amours de Calotin, 1673, I, 1), le « Héros des farceurs » (Valentin Conrart, Commentaire sur "La Bastonnade, satire contre Boileau", vers 1670), le « bouffon du temps » (Montfleury fils, L’Impromptu de Condé, 1673, sc. 3). Molière est pour eux le « bouffon célèbre » qu’on montre du doigt lorsqu’on l’aperçoit dans la rue : « Aucun n’est sans plaisir de vous voir bafoué./ L’un qui vous voit passer près de lui dans la rue,/Vous montre au doigt à l’autre, et cet autre vous hue. » (Le Boulanger de Chalussay, Elomire hypocondre, 1670, III, 2).


1684 Dans les derniers mois de sa vie Pierre Corneille a détruit un registre de soixante-dix feuillets de sa main et signé de lui, qui « contenait, parmi l’aridité des chiffres, la date des grands événements familiaux et […] devait indiquer le profit des œuvres dramatiques » (Georges Couton, La Vieillesse de Corneille, 1940, p. 3).


1686 Le savant Adrien Baillet rappelle ce fait qui était alors de notoriété publique : « Au reste, quelque capable que fut Molière, on prétend qu’il ne savait pas même son théâtre tout entier, et qu’il n’y a que l’amour du peuple qui ait pu le faire absoudre d’une infinité de fautes. »7 Propos confirmé par l’académicien Bernard de La Monnoye en 1722.


1705 – Jean Léonor de Grimarest (1659-1713) publie la première Vie de Monsieur de Molière avec un parti pris affirmé : « ... je n’ai point fait la Vie de Molière comme Comédien, mais comme Auteur. » A la lecture de l’ouvrage, Boileau, qui a bien connu Molière, a ce verdict : « Pour ce qui est de la Vie de Molière, franchement ce n’est pas un ouvrage qui mérite qu’on en parle ; il est fait par un homme qui ne savait rien de la vie de Molière, et il se trompe de tout, ne sachant pas même les faits que tout le monde sait. »8 En 1851, Anaïs Bazin, père des études moliéresques, s’interroge : « "Que tout le monde sait" ! c’est-à-dire que tout le monde de ce temps, que tous ceux qui avaient l’âge de Boileau savaient alors, partant que nous ne savons plus, parce que nul de ceux qui les savaient n’a pris soin de nous les dire. »9 En 1903, le moliériste Gustave Larroumet écrit à propos du jugement de Boileau : « Un tel arrêt, tombant d’une telle plume, devrait être, semble-t-il, une condamnation à mort. »10 C’est pourtant la Vie de Monsieur de Molière par Grimarest qui cautionne tous les travaux des moliéristes.


1706 – Dès sa publication, La Vie de M. de Molière est prise à partie par un critique anonyme : « Pour moi, je n’en juge que par le bruit public ; on accuse l’auteur de n’avoir pas dit tout ce qu’il devait, ou du moins tout ce qu’il pouvait dire ; et dès que je suis prévenu sur cela, je ne saurais être content de l’auteur, qui devait tout dire, ou se taire. Il a manqué à ce qu’il devait sur la vérité, comme historien, dès qu’il a supprimé des faits ou des circonstances. »11  


1805-1815 – A propos de la période de la Restauration, l’historien Jean-Jacques Weiss (1827-1891) écrit : « Savez-vous quand a commencé l’admiration absolue et de parti pris pour Molière ? Dans les premières années du XIXe siècle, à l’époque de la Restauration, quand s’était engagée la querelle entre le parti libéral et le parti congréganiste, c’est alors qu’on a sacrifié à Molière comme à une divinité, il avait fait Tartuffe, il devenait sacré ! […] Sous la Restauration, le panégyrique de Molière passe toute mesure. […]  Le valet de chambre tapissier de Louis XIV converti en citoyen ! »12 


1863 – Menacée par les Prussiens qui veulent imposer Goethe comme écrivain universel, la France se cherche une icône nationale. L’universitaire Eudore Soulié (beau-père du célèbre dramaturge Victorien Sardou) est chargé, par arrêté ministériel du 21 août 1863, de la "mission" de rechercher dans les archives publiques et privées des départements, notamment à Rouen, Lyon, Vienne, Grenoble, Montélimar, Nîmes, Montpellier, Pézenas, Béziers et Narbonne, les faits relatifs à la vie de Molière.  Soulié remet son rapport au Ministre de l’Instruction publique l’année suivante. C’est le départ de l’infatigable contribution universitaire au moliérisme, la dogmatisation d’une biographie "officielle" de Molière et son institutionnalisation comme icône nationale.

•  L’universitaire Francisque Sarcey, lors d’une conférence à l’Athénée, a un « mot » sur Molière qui suscite une vive polémique avec Paul Deschanel, Etienne Arago et d’autres. Ce « mot » sur Molière avait trait à son rôle de poète amuseur du Roi Louis XIV et de la Cour. Francisque Sarcey fut vertement tancé.


1876 –  Pour le corneilliste Jules Levallois (1829-1903) : « on n’a pas fait remarquer assez – et nous y devons insister – combien, au point de vue du bon goût, de la justesse, de la sincérité dans l’expression, Corneille, auteur comique, a indiqué et préparé la voie où Molière devait s’avancer en maître. Il fut le premier à railler la préciosité, l’exagération, à recommander la simplicité, le naturel. » Et d’ajouter : « Nous nous défions des formules pompeuses dont on use trop volontiers aujourd’hui ; pourtant nous croyons pouvoir dire, sans manquer à la vérité la plus rigoureuse, qu’en maint endroit de ses comédies de jeunesse Corneille a été le précurseur direct et immédiat de Molière. Cette haine vigoureuse du faux bel esprit, du langage amphigourique et entortillé, qui inspire l’auteur des Précieuses ridicules et des Femmes savantes, nous la voyons éclater dès Mélite, La Veuve, La Galerie du Palais. Dans l’ordre intellectuel et moral, Corneille et Molière sont de la même famille plus qu’on ne le pense. Leur production, si différente en apparence, a de secrètes et intimes conformités. »13


1879  Parution de la revue Le Molériste dont la profession de foi, signée par son directeur Georges Monval (1845-1910), proclame : « C'est l'organe de cette petite église littéraire que nous voulons fonder, quelque chose comme les Annales de propagation de la foi dans notre religion spéciale. [...] A côté des grands-prêtes et adorateurs du Dieu, que de chercheurs obscurs, Moliérisants, Moliérophiles, Moliéromânes même... »14


1884 – Le dix-septiémiste Victor Fournel (1829-1894) est le premier, semble-il, à pressentir l’affaire Corneille-Molière : « S’il s’est rencontré des critiques pour établir que Shakespeare n’était qu’un prête-nom et que Bacon est le véritable auteur de ses pièces, il s’en rencontrera quelque jour pour prouver que Molière fut le pseudonyme de Corneille, de Racine, de Chapelle et de La Fontaine quand ils s’associaient pour écrire Le Misanthrope, Les Femmes savantes et Les Fourberies de Scapin. »15


1887 – Emile Bergerat (1845-1923), membre de l’Académie Goncourt, dans ses articles16 La « Moliérolâtrie » et « Comme quoi Molière n’a jamais existé » s’insurge contre le culte que l’on voue à Molière et doute que le Comédien soit l’auteur de son théâtre ni même qu’il ait su correctement écrire. 


1888 – Fondation de la nouvelle Sorbonne. « Erigé en classique moderne par l’Ecole républicaine, Molière devient un auteur universel, jouissant d’une évidente "rentabilité" académique » écrit le dix-septiémiste Ralph Albanese Jr. Pour lui, les manuels scolaires « contribuent à la canonisation laïque de Molière, objectif principal, on le sait, de l’Ecole républicaine. »17 

• L’historien Victor Fournel porte ce jugement sur les moliéristes : « Ce ne sont pas des érudits, ce sont des croyants. Ce ne sont pas des experts qui étudient un problème ; ce sont des pèlerins qui vénèrent une relique. » In Le Moliériste, 1888, n° 117, p. 265.


1890 – L’historien des Lettres Emile Faguet (1847-1916) constate  : « L’admiration pour Molière a pris de nos jours un caractère d’entêtement et de dévotion  qui va jusqu’à nier toute imperfection dans l’auteur du Misanthrope, ridicule dont il ne faut pas que les jeunes gens transmettent la tradition à nos neveux. »18  


1896 – Anatole Loquin (1834-1903), un des rédacteurs de la revue Le Moliériste, est, semble-t-il, le premier à avertir le public que la vie de Molière cache un secret : « Nous rencontrerons d’abord sur notre route bien des traditions sans fondement réel, bien des on dit sans preuve, bien des récits légendaires, rapportés sans critique aucune, reproduits à l’envi, copiés les uns sur les autres, et trop souvent avec des enjolivements ridicules, alors que de précieux témoins, alors que d’anciens amis du grand dramatiste existaient encore, et auraient été en mesure de renseigner au mieux ses premiers historiens, ses plus anciens biographes, – si une cause, que personne n’a encore même entrevue, n’était pas venue empêcher absolument les témoignages de ces contemporains bien instruits de nous parvenir ! »19

• Pour le moliériste Anatole Loquin (1834-1903), la vie de Molière « nous est arrivée pleine de légendes qui ne se raccordent pas. Pourquoi ?… A chaque instant, le narrateur fidèle, l’historien sagace et consciencieux est littéralement dérouté : il y pressent, y devine, y surprend des problèmes insolubles, des étrangetés redoutables. On croit bien posséder les documents, authentiques et véritables, de telle ou telle époque de l’existence de Molière. On les recueille à droite et à gauche, on les rapproche, on les compare…et puis, ce n’est pas du tout cela : parmi ces pièces, en effet, il y en a de mensongères, il y en a de voulues, il y en a d’apocryphes dans toute la signification du mot !… et maintenant, oserons-nous avouer que celles-là même sont précisément celles qui se trouvent en majorité ? […] Des lueurs bien faibles, mais certaines, mais convaincantes, viennent nous indiquer de temps à autre que la vérité n’est nullement où l’on avait cru généralement la trouver jusqu’ici, et que L’HISTOIRE DE MOLIERE EST TOUT ENTIERE A REFAIRE. »20  


1901 – Quand le célèbre Gustave Lanson (1857-1934) publie son étude « Molière et la farce »21, dans laquelle il rappelle que Molière fut pour ses contemporains un farceur et qu’il se perçut lui-même ainsi, il est vertement critiqué, et même insulté.    


1903 – L’historien des Lettres Ferdinand Brunetière (1849-1906)  constate : « Molière n’a pas seulement ses fidèles, il a ses dévots ; le culte que nous lui rendons deviendra même bientôt, si nous n’y prenons garde, intolérant comme une superstition ; déjà, fût-ce d’une main délicate et légère, on ne peut plus toucher à son ombre, sans faire crier quelqu’un de ses adorateurs ; on l’a bien dit, il est vraiment en train de "passer dieu". »22  


1908 – Pour le dix-septiémiste Eugène Rigal (1856-1920), « tous les lettrés savent ce qu’est le moliérisme, célébré par les uns, honni par les autres. C’est une sorte de religion littéraire dont l’auteur de Tartuffe […] est le dieu, dont Edouard Fournier et le bibliophile Jacob ont été les aventureux prophètes, dont G. Monval, escorté d’une armée de lévites, est le très respectable grand prêtre, à laquelle la revue Le Moliériste a pendant dix ans servi de Temple. »23  


1912 – M. Thausier, agrégé de l’Université et professeur au Lycée de Périgueux, enseigne à de futurs bacheliers que Molière n’a pas écrit les grandes pièces qu’on lui attribue et que leur auteur ne peut être que Pierre Corneille.24  



1919-2011 et au-delà : l’affaire Corneille-Molière 

 


1919 – L’affaire Corneille-Molière est lancée le 16 octobre 1919 par l’écrivain, poète et érudit Pierre Louÿs (1870-1925), "conseiller technique" d’André Gide, de Paul Valéry et du compositeur Claude Debussy. Louÿs déclare que Corneille est l’auteur des principaux chefs-d’œuvre de Molière. De nombreux faits troublants indiquent selon lui une collaboration régulière entre les deux hommes. « La biographie de Molière est la seule vie de grand homme entièrement inexplicable. […] On a écrit l’histoire de Molière comme on eût écrit celle de Saint Denis ! On a obéi à une foi aveugle que se transmettent les générations.»25

• Le moliériste Alfred Poizat (1863-1936) écrit : « Pour ce qui est d’Amphitryon, je viens de relire attentivement ce chef-d’œuvre, en en comparant le texte avec celui de Plaute et celui de Rotrou, et je crois bien que Pierre Louÿs a un peu raison : une partie doit être de Corneille. Ce sont les mêmes rythmes caressants avec les mêmes tours délicieux, qu’on retrouve dans Psyché. »26  


1921 – L’écrivain G. Lenotre (1855-1935) s’interroge dans « Les Papiers de Molière »27 et dans L’Enigme de Molière28 sur le fait, incompréhensible pour lui, que nous ne possédons pas la moindre ligne manuscrite de Molière. 


1922 – L’universitaire allemand Heinrich Morf (1854-1921) démontre29 que le Registre de La Grange n’a pas été écrit au jour le jour durant un quart de siècle, mais vers 1687, ce dont témoignent plusieurs précisions chronologiques qui ne s’expliquent que si La Grange les a notées postérieurement aux faits relatés. De plus, l’uniformité de l’écriture et de l’encre utilisée coroborent la composition en continu de l’ouvrage, écrit à partir d’un autre registre plus complet qui ne nous est pas parvenu, mais qui justifie que La Grange ait intitulé son manuscrit Extraict. Un demi-siècle avant Heinrich Morf, deux érudits français étaient parvenus à la même conclusion. Pour l’érudit Auguste Jal (1795-1873), La Grange avait écrit «  son mémorial assez longtemps après la mort de son ami »30 ;  et pour Paul Lacroix (1806-1884), ce registre n’avait pas été « fait au jour le jour, comme on l’a cru, mais bien postérieurement aux dates de ce journal du théâtre. »31 

• Le moliériste Gustave Michaut écrit : «  C’est un de ceux en qui l’esprit français s’est reconnu avec le plus de complaisance ; et il l’a d’autant plus aimé qu’il s’aimait en lui. Et c’est pourquoi, de bonne heure aussi, cette admiration est devenue intolérante. Ses adorateurs n’admettaient point que l’on prétendît relever quelque imperfection en leur dieu. » Et de conclure :  « Si dans les plus petits détails de la biographie de Molière sévit ainsi la légende, si elle transforme et déforme même les faits insignifiants, quels ravages ne doit-elle pas exercer quand elle s’en prend aux faits considérables et aux œuvres ? » Gustave Michaut, La Jeunesse de Molière, 1922, pp. 10 et 21.


1923 – Le scientifique et homme de lettres Charles Henry (1859-1926) affirme que Molière est « une invention universitaire ». L’écrivain René-Louis Doyon (1885-1966) commente : « Il n’était pas loin de rejoindre ce qu’a commencé à démontrer notre cher Pierre Louÿs : Amphitryon et Le Misanthrope de Corneille plutôt que de Molière. »32 


1933 – L’érudit Frédéric Lachèvre (1855-1943) défend la mémoire de Pierre Louÿs : « On a eu grand tort, à propos de Molière, de fermer la bouche à Pierre Louÿs, en l’accablant de moqueries et d’injures. Il fallait lui laisser le temps nécessaire pour montrer ses preuves ; l’histoire littéraire y aurait beaucoup gagné. »33 Lachèvre rapporte ce propos de Louÿs : « La critique est une opinion sujette à l’opinion d’autrui ; mais la philologie est une science exacte. Elle compte le vocabulaire. Elle mesure la syntaxe, elle écoute le souffle d’une phrase et le silence des muettes et la respiration des virgules. Ses méthodes ont précédé celles de l’anthropométrie et reposent sur les mêmes principes. En voici trois qui ne sont pas contestables : 1) Jamais deux écrivains n’ont eu le même style. Jamais. En aucune langue. Et en aucun temps. 2) On discerne un style selon la place du mot. 3) Lorsque la structure des consonnes et le timbre des voyelles décident le choix du mot, l’écriture est inimitable. »34  


1936 –  L’écrivain Emile Henriot (1889-1961) s’interroge : « Un mystère profond plane sur lui [Molière], l’enveloppe de toutes sortes d’obscurités.  Si son œuvre demeure transparente, on ne sait au juste d’où elle vient, ce qui l’a formé et comment, quand il travaillait au milieu des occupations harassantes de l’acteur, du metteur en scène et du chef de troupe, toujours sur la brèche aux ordres du roi, et sans cesse aux prises avec ses comédiens et comédiennes, dont l’espèce fut toujours incommode et querelleuse, encore aujourd’hui, paraît-il. […] Moi, au travers du chef-d’œuvre, c’est à son créateur que je pense : et c’est son génie que je voudrais saisir dans sa chambre noire. Car c’était un homme après tout, et j’aimerais beaucoup savoir par quelles voies cet homme supérieur est devenu tel. Mais personne encore ne nous l’a dit ; et nous n’avons qu’à admirer les yeux fermés.»35  


1938 – Dans son livre de souvenirs Broutilles, l’érudit Frédéric Lachèvre  (1855-1943) publie des notes inédites de Pierre Louÿs.  


1943 – L’écrivain et prix Goncourt Claude Farrère (1876-1957) en est arrivé aux même conclusions que Pierre Louÿs : « Amphitryon est de Corneille d’A à Z. Tartufe, Le Misanthrope sont de Corneille presque entièrement, etc. »36  


1945 – Elizabeth Frazer, universitaire écossaise, attribue à Pierre Corneille diverses œuvres anonymes ou signées par d’autres, principalement Molière.37


1946 – Le spécialiste de la poésie française René-Albert Gutmann (1885-1981) constate que « les vers de Molière ont exactement tous les caractères que nous avons essayé de faire ressortir dans les vers de Corneille. C’est le même poète qui semble écrire. On retrouve dans les comédies cet équilibre, cette facture spéciale avec les mots forts placés aux temps forts. […] Les idées de Pierre Louÿs, jadis scandaleuses, doivent, à mon avis, être considérées avec la plus grande attention. »38 


1949 – L’universitaire écossaise Elisabeth Fraser publie à compte d’auteur La Mort de Solon, pièce attribuée à Pierre Corneille, ouvrage dans lequel elle affirme que Pierre Corneille a écrit de nombreux textes qu’il n’a pas signés, et pas seulement pour Molière. En réponse, Robert Kemp écrit dans le journal Le Monde : « Ne touchez pas à Molière… la moelle de nos os »39


1951 – L’écrivain Henry Poulaille (1896-1980) publie Pierre Corneille : Tartuffe ou la comédie de l’hypocrite, et tente de restituer le premier Tartuffe en trois actes. 


1957 – Henry Poulaille (1896-1980) publie Corneille sous le masque de Molière : « On pourrait objecter : "Mais si Molière n’eut été qu’un prête-nom et non un auteur, ses ennemis le lui aurait reproché…" Pourquoi y eussent-ils vu un argument, alors que, depuis longtemps, il était courant que les comédiens servaient de prête-noms. Ce reproche n’eût nui en rien à Molière. Au surplus, le fait d’être écrivain ne conférait pas l’importance qu’on suppose et les grands qui écrivaient se gardaient de s’en vanter.»40

• Dans son article « Molière, cet inconnu » le critique et érudit Pascal Pia (1903-1979) écrit : « Depuis longtemps je suis loin de penser que tout est faux de ce que disait Louÿs. Pour Amphitryon par exemple, je n’ai pas le sentiment que Louÿs se soit trompé en avançant que Corneille y a eu au moins autant de part qu’à la composition de Psyché. »41  


1958 – Pour l’écrivain René-Louis Doyon (1885-1966) qui défend les thèses de Louÿs et d’Henry Poulaille, « la religion moliéresque a été enfantée par des dévotions professionnelles, des considérations mystagogiques, le tout saupoudré de politique juste assez pour maintenir la ferveur de tous les clans. »42  


1961 – L’écrivain Léon Thoorens (1921-1975) dans Le Dossier Molière consacre un chapitre à l’affaire (« Questions, mystères et potins »). 


1973 – Le moliériste P. Lerat publie Le Docteur amoureux attribué à Molière,  essai dans lequel il démontre que la comédie en un acte Le Docteur amoureux, avec laquelle Molière commença sa carrière parisienne en 1658, est presque intégralement plagiée du Déniaisé (1648), pièce en cinq actes de Gillet de La Tessonnerie. 


1985 – Paul-Ursin Dumont publie Pierre Louÿs, l’ermite du hameau : « Louÿs avait été lancé sur l’idée du débat Corneille-Molière par le fait d’une oreille particulièrement sensible au rythme, à la musique du vers cornélien ; de même que certains musicophiles ne sauraient confondre le temps et la texture d’une phrase musicale de Maurice Ravel avec ceux d’un motif de Claude Debussy parce qu’ils réussissent à entendre la respiration, l’instinct, la résonance intérieure du style de chaque musicien, de même, pour certains littérateurs exercés, il est possible, il est facile même, de retrouver dans le vers d’un poète la respiration, l’instinct, la résonance intérieure qui lui sont propres. Pierre Louÿs était de ceux-là. Il avait même établi un classement méthodique des différents rythmes d’une vingtaine de poètes, depuis Ronsard jusqu’à Mallarmé. [...] Personne, parmi ses détracteurs, ne poussa la probité morale jusqu’à opposer à la thèse de l’identification Corneille-Molière des preuves quelconques : personne – que je sache – ne nous prouva que Molière était Molière ; on nia purement et simplement. C’était évidemment plus facile. Or nier ne suffit pas ; je voudrais qu’un historien m’apportât des preuves irréfutables que Pierre Louÿs s’était trompé. Ce n’est pas le cas : "Pierre Louÿs se moque gentiment de nous !" Voilà ce qu’on oppose à ses conclusions fondées sur une étude très poussée et sur des arguments solides dont aucun ne fut réfuté sérieusement. »43 


1990 – Hippolyte Wouters et Christine De Ville De Goyet publient Molière ou l’auteur imaginaire ? (avec, en Appendices, des notes de l’universitaire Louis Poirier, alias François Vergnaud, défenseur des thèses de Louÿs) : « Nous croyons, comme Pierre Louÿs, que la grande erreur d’optique que l’on commet à l’égard de Molière et de considérer les événements de l’époque avec des yeux d’aujourd’hui. C’était un amuseur : il faisait rire la Cour et la ville et il faisait surtout rire grâce à ses pièces-farces. Le caractère immortel de ses grandes comédies n’est apparu qu’avec les siècles, quand au rire de circonstance et au succès de scandale a enfin succédé l’admiration devant l’universalité et la pérennité des caractères qu’il avait peints. Qu’un tel présumé génie n’eût pas fait les choses lui-même nous laisse incrédules. Mais, qu’à l’époque, l’amuseur du Roi ait demandé à des tiers un peu de secours pour l’amuser était une chose normale… Et ce n’est évidemment qu’ainsi que nous devons envisager les choses.»44

• Mai : le journal Le Figaro littéraire publie un dossier : « Corneille a-t-il écrit les pièces de Molière ? ».


1993 – LAmi du genre humain, roman de Frédéric Lenormand, évoque la collaboration entre Pierre Corneille et Molière, avec des aperçus documentés sur le XVIIe siècle. 


1994 – Le spécialiste anglais John Cairncross fait siennes les conclusions de l’Allemand Heinrich Morf en 1922 : « Le Journal de La Grange est un résumé du Grand Livre du Poète (aujourd’hui perdu) et a été préparé dans un but spécifique, en une seule fois, et en 1687, plus de vingt ans, donc, après la première de Tartuffe. » (35, 93). Les moliéristes français, à quelques exceptions près, ne tiennent pas compte des avertissements des historiens Auguste Jal et Paul Lacroix, ni des études des moliéristes Heinrich Morf et de John Cairncross.   


1995 – Dans son Dictionnaire des anecdotes littéraires, l’écrivain et chercheur Denis Boissier présente un dossier « Molière/Corneille, l’affaire ». 


1997 – Le Destin de Pierre, pièce de théâtre d’Hippolyte Wouters sur la collaboration des deux artistes.

• Le corneilliste André Le Gall s’interroge : « Corneille a-t-il écrit les oeuvres de Molière ? C’est réellement la question piège, celle qu’une enquête sur Pierre Corneille ne peut pas ne pas se poser, celle qui, à peine articulée, ne peut que déclencher bruit et fureur. La question s’impose parce que, périodiquement, elle envahit l’actualité, puis disparaît, puis reparaît. A l’ignorer, on méconnaîtrait un élément du dossier. Or son simple énoncé déclenche un véritable branle-bas de combat, pour une raison qui se comprend immédiatement : pareille supposition jette à terre toutes les biographies et de Corneille et de Molière, tous les commentateurs de l’un et de l’autre, toutes les interprétations théâtrales, toutes les recherches, toutes les thèses et le présent livre tout le premier. La question ne doit pas être posée. Elle ne le sera donc pas. »45  


2000 – L’Imposture Comique, pièce de théâtre de Pascal Bancou, met en scène sur le mode tragi-comique l’association Corneille-Molière. 


2001 – Le moliériste Guy Spielmann publie « Molière ou l’esprit du carnaval »46. Son point de vue rejoint une des thèses essentielles des cornéliens.

• Cyril et Dominique Labbé, enseignants et chercheurs à l’Université de Grenoble, publient dans le Journal of Quantitative Linguitics : « Inter-Textual Distance and Authorship Attribution Corneille and Molière »47. Ils annoncent que toutes les pièces célèbres de Molière ont pour auteur Pierre Corneille. La presse française relaie cette information. L’affaire Corneille-Molière entre dans le débat public et deviendra un sujet médiatique récurrent.

• La moliériste canadienne Dominique Lafon publie « Un "serpent de mer"  dans les eaux calmes du moliérisme : la collaboration Molière-Corneille »  : « L’historiographie théâtrale est, par nature, hasardeuse. Jugeant d’un objet éphémère, la représentation, elle repose sur des suppositions plus que sur des certitudes, sur des hypothèses que ne garantissent, en dernière instance, que les textes des pièces qui demeurent les seuls points d’ancrage des analyses de la pratique. Aussi toute remise en question de l’intégrité textuelle d’une œuvre dramatique est-elle, a priori, périlleuse puisqu’elle ébranle la base même de la reconstitution archéologique à laquelle se livrent les historiens du théâtre. Dans ce contexte, on comprendra que les allégations périodiques attribuant à Corneille tout ou partie de l’œuvre de Molière soient l’objet d’un mépris ironique, tournées en dérision sans autre forme de procès ou d’examen. […] Loin de prétendre lui apporter des conclusions définitives, le présent article cherche à montrer que l’hypothèse d’une collaboration entre les deux auteurs ne saurait être rejetée sans examen dans la mesure où elle est extrêmement stimulante  pour l’analyse des rapports étroits qui unissaient le monde théâtral de l’époque et dont Molière est sans aucun doute la figure la plus marquante à partir d’octobre 1658, date de sa première représentation parisienne. Cette renommée flatteuse ne saurait faire oublier que les différentes étapes de sa carrière sont balisées par des coïncidences factuelles dont la récurrence accrédite la thèse, sinon d’une collaboration, au moins de ses rapports étroits et obligés, dans tous les sens du terme, avec les frères Corneille. »48 


2002 – Le Figaro du 11 novembre 2002 attire l’attention du public sur les travaux statisticiens de Cyril et Dominique Labbé. A l’Université Paris IV un "scandale" s’ensuit.  


2003 – Corneille dans l’ombre de Molière de l’universitaire et scientifique Dominique Labbé. Etude comparative de la distance intertextuelle entre les œuvres de Corneille et de Molière. Résultat des statistiques : au moins seize pièces sur trente-deux signées Molière sont de Pierre Corneille, notamment toutes les œuvres dites "sérieuses" : Tartuffe, Le Misanthrope, L’Ecole des Femmes, Les Femmes savantes, Les Fâcheux, Amphitryon...

• Février : le magazine Science et Vie publie : « Un logiciel attribue 16 pièces de Molière à… Corneille » par Philippe Testard-Vaillant.

• Juin : le Journal Le Monde publie : «  Molière et Corneille confondus ».

• Philippe Vidal publie Molière-Corneille, les mensonges d’une légende : « Quel est le portrait classique qui s’impose à nous ou qui nous est imposé, serait-on tenté de dire, depuis les bancs de l’école quand il s’agit d’évoquer Molière ? Convenons-en, tout est savamment orchestré, dans une cohérence parfaite, pour faire naître un sentiment de sympathie, de compassion voire d’amitié en faveur de Jean-Baptiste Poquelin. Poquelin le comédien forçat et ses quinze années de galère sur les routes de province… Poquelin le bon mari trompé par la frivole et infidèle Armande… Poquelin l’excellent acteur, la vis comica unique, nouvelle et unanimement saluée… Un portrait classique et bienveillant qui ne résiste pas longtemps à une analyse factuelle de l’Histoire. »49

• Dans son article « Misanthropie » l’écrivain Patrick Besson écrit : « Il est temps que La Pléiade mette le nom de Corneille sur les œuvres complètes de Molière. Tant qu’elle y est, qu’elle inscrive le nom de Maquet à côté de celui de Dumas sur la couverture des Trois Mousquetaires. »50

• Le professeur Georges Forestier (Paris IV) met en ligne « Corneille-Molière : d’un vrai canular à une fausse découverte scientifique »51 dans lequel il annonce : « Grande nouvelle ! les travaux de Dominique Labbé, spécialiste de statistique lexicale, auraient permis de résoudre une "énigme scientifique" concernant la paternité des pièces de Molière : tous les chefs-d’œuvre de celui-ci seraient en fait l’œuvre de Corneille. L’ennui, c’est qu’il n’y a jamais eu d’énigme scientifique concernant les œuvres de Molière. La prétendue énigme est un pur montage opéré il y a seulement un siècle par un poète dilettante et érudit, Pierre Louÿs, auteur lui-même d’une célèbre supercherie littéraire. […] Ce qui est nouveau, c’est donc que le canular originel transformé en énigme soit présenté désormais comme un problème "scientifique" à résoudre ; c’est aussi que ce soit une vraie méthode scientifique qui prétende apporter la réponse au faux problème. »

• Le professeur Georges Forestier ayant affirmé que l’affaire Corneille-Molière n’était qu’un « canular » monté par Pierre Louÿs, l’écrivain Benoît Peeters fait aussitôt savoir : « Si, par rapport au contenu des recherches de Pierre Louÿs, Hippolyte Wouters et aujourd’hui Dominique Labbé, je ne suis pas capable d’une vraie expertise et ne puis m’en remettre qu’à ma seule intuition, il y a au moins une chose sur laquelle je sais que Georges Forestier se trompe. Mais se trompe absolument. C’est l’affirmation que les recherches de Louÿs ne seraient qu’un canular. Or, elle joue un grand rôle dans toute la discussion qu’elle engage sur une base absolument fausse. Quand j’ai écrit ma biographie de Paul Valéry, voici bientôt quinze ans, j’ai pris connaissance à la BN des lettres passionnées, puis pathétiques, que Louÿs a écrites à la fin de sa vie sur Corneille et Molière, ainsi que des dérobades de Valéry. »52 

• L’auteur dramatique Hugues Héraud  répond à M. Forestier : « Pierre Louÿs n’a jamais été l’auteur d’une « des plus belles supercheries littéraires de l’histoire » ainsi que l’affirme péremptoirement monsieur Forestier. Les Chansons de Bilitis (1894) sont une œuvre d’art, une fiction telle que la littérature mondiale en montre quelques exemples, récemment encore avec Jorge-Luis Borgès ou l’Albucius de Pascal Quignard. Voilà le grand tort de Pierre Louÿs : avoir été un poète érudit jouant avec la Muse et l’érudition. Hélas, il arriva ce que Louÿs n’aurait jamais osé imaginer : "Gustave Fougères, maître de conférences de langue et de littérature grecques à la faculté des lettres de l’Université de Paris s’est ridiculisé en lui répondant qu’elle [Bilitis] ne lui était pas inconnue. Les universitaires n’ont jamais pardonné cela à Louÿs." (Paul-Ursin Dumont, Pierre Louÿs : l’hermite du hameau, 1985). »53

• Hippolyte Wouters écrit une « Réponse à M. Georges Forestier » : « Une chose me paraît évidente : la question de la paternité de Molière sur ses grandes œuvres se pose et on a le droit de se la poser. C’est un débat réel, intéressant et riche mais où l’on a jusqu’à présent mis beaucoup plus d’intelligence à éluder la question qu’à l’élucider. Et tout le fiel qui entre dans l’âme des dévots moliéristes démontre, si besoin en est, combien il est traité de manière passionnelle et donc éloignée de la recherche d’une vérité historique objective. »54  


2004 – L’écrivain et chercheur Denis Boissier publie L’affaire Molière : « Une vraie recherche est encore à naître. Elle devra accepter que l’iceberg "Moliere" cache une partie visible, Jean-Baptiste Poquelin, et une partie immergée, prépondérante : Pierre Corneille. Voilà notre essai terminé. Nous avons tenté de rétablir les proportions entre deux artistes, de retrouver une vérité égarée sous un fatras de légendes. Les dévots ont déjà leurs répliques toutes prêtes : "Molière fut un homme d’une parfaite droiture, généreux, délicat, honnête homme dans toute l’étendue et dans les deux sens du terme. Ce n’est pas une opinion à moi que j’exprime, c’est une vérité dont nous avons les preuves les plus précises. […] En ce qui me concerne donc, je n’ai pas besoin d’un autre raisonnement pour asseoir ma religion." (Pierre-Paul Plan, « Molière et Corneille », in Mercure de France, 15 décembre 1919, p. 606). Que cela doit être reposant d’asseoir une religion au lieu de s’élever à la vérité. »55

• Le site e-litterature.net  met en ligne un dossier : « Molière, ou l’histoire d’une imposture », par André-Michel Berthoux56.

• A l’occasion des 7èmes Journées internationales d’Analyse statistique des Données textuelles s’est tenue une discussion sur le thème « Attribution d’œuvre : le débat Corneille-Molière », avec Valérie Beaudoin, Dominique Labbé, Jean-Marie Viprey, Hippolyte Wouters et Ludovic Lebart (modérateur).

• Mai : le Journal France Soir publie un dossier : « Corneille, prête-nom de Molière ? »57

Molière : portrait de la France dans un miroir58, thèse de l’historien Gérard Moret : « Pour s’imposer, la convention tacite selon laquelle la mémoire de Molière devait être protégée n’avait pas besoin d’un acte notarié. La nécessité ferait office de loi dont les moliéristes seraient les gendarmes. Quoi qu’on en dise, c’est un peu toute la France qui se fera peu à peu moliériste. » ; « Avec Molière, la vérité historique passe au second voire au troisième plan. L’histoire de Molière n’est le plus souvent qu’une longue mise en scène, une succession de tableaux choisis. » ; « C’est ainsi que, vraie ou fausse, la démonstration selon laquelle les œuvres les plus célèbres de Molière seraient de Corneille n’a que bien peu de chance de s’imposer tant la légende, depuis longtemps, s’est imposée à l’histoire qu’elle écrase : on ne réveille pas un enfant qui rêve. » 


2005 – Dans La Littérature française pour les nuls, Jean-Joseph Julaud est le premier historien des Lettres à parler de l’"affaire", dans un encadré intitulé : « Corneille a-t-il écrit les pièces de Molière ? ». C’est en quelque sorte l’entrée officielle de l’affaire Corneille-Molière dans l’histoire littéraire.

Le Nègre de Molière, téléfilm de Didier Bivel, sur un scénario de Catherine Ramberg (résumé : Corneille devient "nègre" littéraire par amour de Marquise du Parc, célèbre comédienne de la troupe de Molière ; à la mort de Molière, Armande détruit le contrat qui liait ce dernier à Pierre Corneille ; nous n’aurons donc jamais la preuve de leur association.). Sa programmation ayant été retardée trois années durant, ce téléfilm a finalement été diffusé, sans avoir droit au prime-time, le samedi 2 août 2008, le jour du grand aller-retour des vacanciers, à quatre heures quinze de l’après-midi. 


2006 – 14 février : création, sous l’égide de l’Association cornélienne de France, de  corneille-moliere.org, site officiel de l’Affaire Corneille-Molière, dirigé par l’écrivain et chercheur Denis Boissier.

• Le moliériste Jan Clarke constate que Molière, agissant contre ses intérêts financiers, a tout au long de sa carrière joué les pièces de Pierre Corneille : « le pourcentage de la recette globale provenant de la représentation des pièces de Corneille était plus bas que le pourcentage du répertoire et du nombre total des représentations. […] Le fait que Corneille dépasse ses confrères d’une aussi grande marge en ce qui concerne le nombre de pièces et le nombre de représentations suggère que ce n’était pas par simple commodité que la troupe de Molière le joua autant.»59

• Les universitaires Jean-Paul Goujon et Jean-Jacques Lefrère publient « Ote-moi d’un doute »… l’énigme Corneille-Molière. Voulant rester neutres, ils concluent : « Il ne serait pas inopportun que les moliéristes s’attachent à scruter plus objectivement la vie et l’œuvre de leur "patron". A trop considérer l’une et l’autre comme un domaine sacré et intangible, ils desservent plus leur cause qu’ils ne la favorisent, d’autant qu’on ne voit pas très bien en quoi un tel examen pourrait nuire à Molière. Constater certaines lacunes biographiques ou les inégalités de sa production théâtrale n’est pas faire son procès, ni faire de lui un homme antipathique. En somme, les spécialistes de Molière ont devant eux une tâche assez analogue à celle qui incombe à ceux de Corneille. Notre seul vœu serait que notre enquête pût être poursuivie par d’autres chercheurs. Qu’ils réfutent tous nos propos ou qu’ils adoptent certaines de nos remarques, nous croyons que Molière comme Corneille ne peuvent qu’y gagner. En dernière instance, l’énigme demeure. Elle s’est même, pour nous, épaissie sensiblement.»60

• Dans son article « Corneille, Molière : le soupçon, l’énigme » l’homme de Lettres Bernard Pivot pense que l’on a « raison de se poser des questions et de les poser sans souci des convenances. Car il y a effectivement matière à enquête.»61

• Mai : Le Journal Littéraire (n° 69) publie un "Spécial Corneille" avec trois dossiers : « La vie de Pierre Corneille », « Le Second Corneille », « Corneille-Molière ».

• L’écrivain Martin Winckler prend position en faveur de la thèse des cornéliens : « Molière n’a jamais été écrivain. Il n’en avait ni les qualités, ni le temps, ni même la vocation. C’est un metteur en scène et un organisateur de spectacles, un Jérôme Savary avant l’heure, entièrement au service du Roi Soleil. Dans son ombre, tel Gary derrière Ajar, Corneille a entamé une deuxième carrière lorsque L’Illustre Théâtre s’est installé au Palais-Royal et s’est mis à monter ses pièces anciennes sous son nom et les nouvelles sous celui du chef de troupe, comme c’était si souvent la coutume à l’époque.»62

• Juillet : l’écrivain Eric Dussert met en ligne l’article « L’affaire Molière : un Watergate de la recherche universitaire »63.

• Le professeur Georges Forestier (Paris IV) met en ligne : « L’affaire Corneille-Molière, suite de l’histoire d’un canular qui a la vie dure », sous-titré : « Où l’on verra que toutes ces questions ont été forgées par des gens malhonnêtes qui ont l’intention d’égarer les lecteurs de bonne foi. »64

• L’écrivain et chercheur Denis Boissier met en ligne : « Droit de réponse aux réponses de M. Georges Forestier » : « Le "dogme Molière" dont notre pays avait tellement besoin en 1870 étant désormais au point, quelle ingratitude il y a aujourd’hui à vouloir en vérifier les fondements et, par voie de conséquence, à courir le risque d’agacer M. Georges Forestier et ses confrères « dévots de Molière » comme les appelait leur chef historique Georges Monval.»65  


2007 – Février : « Quand Molière s’invite chez Corneille », exposition organisée par le Musée départemental Pierre Corneille, présentée à la Maison des Champs de la famille Corneille. La collaboration régulière entre Corneille et Molière est admise comme possible.

• L’article intitulé « l’affaire Corneille-Molière », écrit par un moliériste, que l’encyclopédie généraliste Wikipédia avait mis en ligne, est retitré « Paternité des œuvres de Molière ». Réaction du journaliste Jérôme Richter : « Pour des milliards d’internautes potentiels, il n’y a donc plus sur Wikipédia d’"affaire Corneille-Molière". Le point de vue d’un seul a suffi pour l’effacer. […] L’écriture même de cet article, puis son changement d’intitulé, dévoilent l’intention des contributeurs qui refusent d’envisager de remettre en question ce qui s’apparente pour eux à une évidence du genre "la terre est plate, pourquoi chercher à prouver le contraire ?" »66

Molière, Bouffon du Roi et prête-nom de Corneille, thèse de 1000 pages, de Denis Boissier, éditée par l’Association cornélienne de France : « En 1705 Grimarest publie sa Vie de Monsieur de Moliere. C’est Fontenelle qui délivre le Privilège du Roi nécessaire à la Vie de Monsieur de Moliere. Or le Régent des Lettres veut éviter que ne soit ternie la mémoire de son oncle Pierre Corneille dont on exige désormais qu’il ait toujours été, lui aussi, « très-chrétien ». Il ne sera donc pas question dans cette prétendue biographie des relations entre « la gloire de la France » et Molière (le véritable auteur de Psyché n’apparaît qu’une fois chez Grimarest). Secondé par Monsieur le Chancelier et Monsieur le Premier Président de Harlay, diligents agents de l’absolutisme royal, Fontenelle exige de l’obéissant Grimarest – qui se flatte d’ailleurs de l’être – une biographie "autorisée". Grimarest obéit à l’injonction : "Je n’ai point eu intention de me donner mauvaise réputation", et choisit de raconter Molière non "comme Comédien, mais comme Auteur". Cela n’offrait pas de difficulté car encore à cette époque est "auteur" le chef de troupe qui achète une pièce et la joue, est "auteur" quiconque conçoit le plan d’une pièce et la fait écrire par quelqu’un d’autre. Grimarest gomme autant que possible les scandales que le Comique avait suscités – l’essentiel de sa carrière – et ne le présente que comme bon mari et bon bourgeois. Le parti pris de Grimarest est à l’origine du contresens historique qui vicie les "études moliéresques". Son hagiographie, où ni Corneille ni Fouquet ni Ninon de Lenclos, ni l’homosexualité ni les audaces libertines n’ont leur place, sera le point de départ d’une étonnante et ininterrompue Légende dorée.»67

• Février : le magazine Lire publie un dossier  sur Molière, avec notamment : « Corneille fut-il le nègre de Molière ? » par Delphine Peras.

• Octobre : France 2 dans sa série  "Secrets d’histoire" diffuse « Molière a-t-il écrit ses pièces ? », émission présentée par Stéphane Bern.

• Premier mémoire universitaire sur « L’affaire Molière-Corneille » par Annie Elkjær Kristensen68


2008 – L’écrivain et chercheur Denis Boissier fait connaître une version condensée et "grand public" de sa thèse : Tout savoir sur l’Affaire Corneille-Molière, avec une postface de l’universitaire et scientifique Dominique Labbé (édition électronique).

• Le comédien, metteur en scène et professeur d’art dramatique Jean-Laurent Cochet déclare sur les ondes d’Europe 1 que Corneille a écrit les grandes pièces de Molière. Il met en ligne sur le site corneille-moliere.org une profession de foi dans laquelle il explique : « Si l’on accepte leur collaboration, le "mystère Molière", comme disent certains moliéristes, laisse place à une histoire un peu plus compliquée certes, mais tellement en accord avec les mœurs théâtrales de cette époque. Corneille en sort encore grandi, Louis XIV ne passe plus pour un idiot de ne pas avoir compris qui était Molière, et Molière, lui aussi, se rapproche encore plus de nous. »69

• Mars : la communication de MM. Labbé [« Corneille a écrit 16 pièces représentées sous le nom de Molière »] est retirée des « archives-ouvertes » du site du CNRS où elle figurait depuis une année. Arguant de son droit de propriété intellectuelle et sous le prétexte que MM. Labbé avaient, afin de pouvoir y répondre avec toute la clarté nécessaire, publié in extenso son article « About Labbé’s "Inter-Textual Distance" » M. Jean-Marie Viprey avait eu gain de cause auprès de la direction du CNRS. Or la soudaine exigence de M. Viprey entraîne l’occultation de la communication faite dans les règles de MM. Labbé, à laquelle aucun scientifique n’avait rien eu à reprocher70.

Mai : le CNRS décide de rétablir dans ses archives en ligne la communication de MM. Cyril et Dominique Labbé, expurgée du texte de M. Viprey71.  

• Pour l’article « Paternité des œuvres de Molière », sur l’encyclopédie Wikipédia, est systématiquement supprimée toute nuance ou correction apportée par quiconque n’est pas moliériste.

• Dans son recueil d’essais sur L’Histoire interdite, l’historien Franck Ferrand consacre un chapitre, intitulé « La langue de Corneille », à défendre les thèses des cornéliens : « A Pâques 1658, Jean-Baptiste – il a trente-six ans cette fois – quitte brutalement Grenoble et le Sud de la France pour traverser en hâte la moitié du royaume et venir – six longs mois durant – s’installer à Rouen, au jeu de paume des Braques – c’est-à-dire à l’angle même de cette rue de la Pie où résident les frères Corneille ! La plupart des moliéristes glissent sans s’appesantir sur cette étonnante coïncidence ; Molière, disent-ils, ne serait venu en Normandie que pour « se rapprocher de Paris » où il effectue alors, semble-t-il, plusieurs incursions discrètes... Mais n’aurait-il pas, dans ces conditions, été plus simple pour lui de s’installer à Paris même ? Or, c’est précisément pendant ce second séjour à Rouen que se produit le miracle. Quel miracle ? Celui qui consiste à muer un trousseur de farces grossières en dramaturge de haute volée. Une transfiguration unique, faut-il le préciser, dans toute l’histoire de la littérature. Avant Rouen : des mômeries de foire comme La Jalousie du Barbouillé ou Gorgibus dans le sac. Après Rouen – et sans aucune transition : de subtiles études de mœurs comme L’Etourdi et Les Précieuses ridicules. Certes, Lagrange nous apprend que L’Etourdi avait été créé à Lyon dès 1655 ; mais que peut-il bien savoir de la version initiale de cette pièce, lui qui n’a rejoint la troupe que quatre années plus tard ? Ce brusque passage de la chenille au papillon, cette éclosion tardive d’un brillant écrivain dans la vieille mue d’un amuseur, voilà qui n’a jamais, chez aucun biographe, trouvé la moindre explication. C’est un mystère, et cela fait partie du dogme… »72 


2009 – Janvier : le magazine Science et Inexpliqué publie un dossier : « Corneille était-il le nègre de Molière ? ».

• 29 janvier : création par le professeur Mikhaïl Marusenko, directeur du collège universitaire français de Saint-Pétersbourg, du site www.affaire corneille-moliere.com, favorable aux thèses cornéliennes.

16 avril : le journal L’Express publie « Corneille-Molière : drôle de drame », par Delphine Peras.

25 avril : le journal Marianne publie : « Corneille, nègre de Molière ? », par Vincent Huguet.

• 26 avril : Lors de la cérémonie télévisuelle de la remise des "Molières", un comédien évoque la possibilité que Pierre Corneille soit l’auteur des pièces signées par Molière.

• 27 avril : Pour la première fois un journal télévisé (celui de France 2) demande à propos de la paternité des œuvres de Molière l’avis d’un cornélien (continuateur des thèses de Pierre Louÿs) et non celui d’un moliériste ou d’un corneilliste, garants de l’orthodoxie.

• Hélène Maurel-Indart, de l’université de Tours, est la première universitaire de lettres française à s’intéresser favorablement à la collaboration Corneille-Molière : « La thèse assez dérangeante selon laquelle Molière ne serait que le prête-nom de Corneille pour un certain nombre de ses plus belles pièces, acquiert de plus en plus de solidité. A lire Tout savoir sur l’affaire Corneille-Molière, on sent s’effriter progressivement nos plus belles certitudes sur le génie insurpassable d’un Molière trop parfait, à la fois comédien, metteur en scène, organisateur de spectacles et… écrivain ! Il ne s’agit pas pour Denis Boissier de se livrer à un jeu de massacre provocateur ou cynique, mais de resituer dans la réalité de son époque un phénomène à la fois politique, social et littéraire. Au XVIIe siècle, la notion d’auteur n’a pas acquis la stabilité, ni même le sens qu’on lui prête aujourd’hui, grâce à notre Code de la propriété intellectuelle. La notion est moins sacralisée en ces temps prérévolutionnaires, surtout quand il s’agit de signer des comédies, genre littéraire considéré comme peu noble au regard de la tragédie, qui hérite de toute la conception aristotélicienne de l’art poétique. Le grand Corneille, réputé insurpassable dans le genre de la tragédie, n’aurait guère pu que déchoir comme auteur de comédies. Les pièces comiques qu’il avait signées dans sa jeunesse, comme Mélite et Clitandre, ne pouvaient se comprendre que comme des œuvres de débutant, fourmillantes d’inventions mais trop désordonnées pour le goût classique. Après elles, sont venues les grandes œuvres tragiques, comme un couronnement de la carrière du plus grand dramaturge français de l’époque. Alors même que Racine venait détrôner le maître, comment celui-ci aurait-il pu confirmer son propre déclin en revenant ouvertement au genre vil de la comédie ? Pourtant, Corneille avait véritablement ce talent de grand faiseur de comédies, à la fois désopilantes et subtiles, qui ont fait le succès de la troupe de Molière, au service du Roi. »73

Juin : Pour la première fois (et la dernière, semble-t-il), dans le cadre du « Mois Molière », organisé chaque année par la ville de Versailles, est proposé un débat : « L’affaire Molière-Corneille : fausse polémique ou vrai scandale », avec Philippe Beaussant, de l’Académie française, l’historien Franck Ferrand et Christophe Mory, biographe de Molière.

• Dans le cadre de ses conférences littéraires et historiques le cercle Oscar Wilde organise une conférence-débat sur le thème « l’affaire Corneille-Molière », avec les cornéliens Franck Ferrand, Jean-Laurent Cochet, Denis Boissier et Hippolyte Wouters.

• Sur l’encyclopédie généraliste Google knol mise en ligne de trois articles de l’écrivain et chercheur Denis  Boissier : « L’affaire Corneille-Molière » ; « Pierre Corneille, le Janus du théâtre » ; « Molière : visage et masques ».

• Parution de Si deux et deux sont quatre, Molière n’a pas écrit Dom Juan, de l’universitaire et scientifique Dominique Labbé : « Trois conclusions émergent nettement : Premièrement, Molière ne s’est pas comporté en écrivain ;  les contemporains, bien informés de la vie littéraire, ne l’ont pas traité comme tel ; il n’y a pas trace de sa supposée activité créatrice ; son emploi du temps ne lui permettait d’ailleurs pas d’écrire l’œuvre qu’on lui prête. Plusieurs de ses contemporains ont mentionné son rôle de prête-nom et sa collaboration avec P. Corneille. Deuxièmement, les analyses statistiques – portant sur le vocabulaire, le sens des mots, les associations les plus fréquentes – confirment ces soupçons. Elles démontrent que P. Corneille a écrit toutes les pièces en vers de Molière ainsi que L’Avare et Dom Juan, et qu’il est l’auteur d’au moins quatre actes sur cinq du Bourgeois gentilhomme et du Malade imaginaire. Troisièmement, il n’y a pas d’"affaire Corneille-Molière". En effet, à leur époque, la plupart des comédies étaient issues de la collaboration entre un grand écrivain et un comédien poète. Durant la seconde moitié du XVIIe siècle, environ six pièces de théâtre sur dix – et dix comédies sur onze – ont été présentées sous le nom d’un comédien ou de manière anonyme. Ces comédies correspondaient aux attentes du public et des comédiens. Elles étaient nécessaires à l’équilibre économique des troupes et pouvaient rapporter beaucoup à leurs producteurs. Mais elles étaient sévèrement jugées par les élites. Autrement dit, pour les écrivains de l’époque – du moins pour ceux qui vivaient de leur plume et ne pouvaient braver la censure de l’Eglise, des grands et de leurs pairs –, le recours à un intermédiaire comédien poète était quasiment une obligation. »74

• Le 24 novembre : la Faculté de Lettres de la ville de Brest organise une conférence publique sur la question des œuvres de Molière, à laquelle participent plusieurs chercheurs en linguistique, notamment Dominique Labbé, spécialiste en statistique appliquée aux textes.  


2010 – Le mercredi 6 janvier est mis en ligne l’article « L’affaire Corneille-Molière », écrit par l’Equipe rédactionnelle du site corneille-moliere.org, avec la participation de M. Dominique Labbé. Sa rédaction a nécessité plus de trente heures de travail, afin d’être suffisamment complet, précis, mesuré… et courtois. Chaque argument a été étayé par une autorité dix-septiémiste et dûment référencé, jusqu’à indiquer, pour chaque citation, la page d’où elle était extraite. Cinq minutes après sa mise en ligne l’article était “supprimé” – c’est le terme qu’utilisent les contributeurs wikipédiens patentés –  par un moliériste dénommé Docteur Cosmos.

• Février : parution dans Journal of Quantitative Linguistics (vol. 17) de l’étude des universitaires russes Mikhaïl Marusenko et Elena Rodionova : « Mathematical Methods for Attributing Literary Works when Solving the "Corneille-Molière" Problem ». Cette étude est favorable à la thèse d’une participation majeure de Pierre Corneille dans le théâtre moliéresque.

• Mars : parution du Petit dictionnaire des débats interdits de Jean Robin, avec la contribution de l’écrivain et chercheur Denis Boissier pour le dossier « Corneille est-il l’auteur des chefs-d’œuvre de Molière ? ».

• Avril : Trois élèves en 1èreS du Lycée Carnot de Paris présentent des TPE (Travaux Personnels Encadrés) sur « l’affaire Corneille-Molière ». Leurs conclusions : « Une étude statistique, appuyée sur une étude biographique solide et sans zone d’ombre, pourrait donc parfaitement permettre de définir l’auteur d’un texte, si celui-ci est cependant comparé à d’autres datant de la même époque, préférentiellement dans un même répertoire littéraire fourni et avec un style de langue semblable. Il faut donc que la thèse cornélienne soit reconnue comme plausible dans l’état actuel des connaissances sur Molière, et non pas la juger comme étant le fruit d’esprits dérangés. Cette affaire aurait bien évidemment un impact sur le plan littéraire mais aussi sur le plan politique : Molière est considéré comme un symbole républicain, on parle la langue de Molière et non celle de Corneille ! C’est probablement grâce à la République que Molière est considéré aujourd’hui comme tel. »75

• Le 11 juin 2010, à Rome, à l’Université La Sapienza, durant les Journées internationales des spécialistes de statistique appliquée au langage (JADT), MM. Cyril et Dominique Labbé ont présenté un nouveau volet de leur étude statistique démontrant que Pierre Corneille a écrit les principales pièces du théâtre moliéresque. Intitulée « Ce que disent leurs phrases », cette étude  révèle que « les longueurs des phrases sont semblables chez Pierre Corneille et dans les comédies en vers parues sous le nom de Molière. » MM. Labbé fournissent comme contre-exemples Racine, Quinault et Mairet, lesquels se distinguent fort bien de Pierre Corneille et de Molière, qui, eux, sont impossibles à distinguer selon ce critère... Voici la conclusion des deux scientifiques : « On observera que les comédies en alexandrins parues sous le nom de Molière (entre 1659 et 1672) présentent exactement les mêmes valeurs centrales (mode, médiane, moyenne et médiale) que les deux Menteurs (Corneille, 1642-1643). Cela ne surprendra pas : les deux Menteurs sont la matrice d’où sont sorties toutes les comédies en vers écrites par Corneille pour Molière ».

• Juin : Dans le cadre des confrontations organisées par le site enquete-débat.fr, le professeur émérite Jacques Rougeot a accepté de dialoguer pendant une heure avec Denis Boissier, rédacteur en chef du site corneille-moliere.org. La vidéo de ce premier débat historique entre un dix-septiémiste de la Sorbonne et un cornélien est diffusée conjointement sur les sites enquete-debat.fr et corneille-moliere.org.

• 6 Juin : Mise en ligne sur l’Express.fr de l’article « Pourquoi le Molière de La Pléiade est un mythe » par l’écrivain et chercheur Denis Boissier.

• Août : Un roman pour les 12-14 ans, L’Encrier du diable, écrit par Laure Bazire (enseignante) et Flore Talamon (scénariste de BD), raconte comment au XVIIIe siècle, Judith, jeune héroïne proche des encyclopédistes, désireuse que Molière soit élu de façon posthume à l’Académie française, entreprend de combattre le parti dévot qui menace de révéler que Corneille est l’auteur des pièces majeures de Molière. Pour cela, elle fabrique un faux document qui établit cette collaboration, le fait tomber entre les mains des adversaires de Molière et, ainsi, le moment venu, démontrant la supercherie, retire au parti dévot la possibilité de révéler la vérité historique. L’héroïne est d’autant plus navrée d’avoir dû agir ainsi qu’elle avait découvert un commencement de preuve. Moralité (si l’on ose dire) de ce court roman pour l’édification de la jeunesse : Rien ne doit ni ne peut ternir la gloire posthume de Molière.

• Octobre : parution de l’essai de Pierre Bayard Et si les œuvres changeaient d’auteur ? dans lequel il constate combien l’idée que nous nous faisons des auteurs fausse bien souvent la réalité historique. Et de proposer de lire les chefs-d’œuvre en leur attribuant d’autres auteurs, ce qui a pour effet immédiat d’ouvrir des perspectives nouvelles pas toujours dénuées de vérité. Prenant le cas de « l’affaire Corneille-Molière », Bayard titre sa démonstration : « Dom Juan, de Pierre Corneille » et montre que Dom Juan « a tout du héros cornélien, et notamment son caractère entier. Sans doute sa détermination n’est-elle pas mise ici au service d’une cause collective, mais elle est d’une constance qui lui permet de surmonter tous les obstacles, comme il en va le plus souvent chez Corneille. Et elle s’accompagne de cette autre caractéristique du héros cornélien, qui est le courage. […] Figure moralement inverse des héros cornéliens traditionnels, Dom Juan incarne le double sombre du Cid, d’Horace, ou surtout de Polyeucte, avec lequel il semble construit en symétrie. Mais il partage avec eux de nombreuses qualités et, à ce titre, figure bien dans la lignée de ces personnages inébranlables qui ont fait à juste titre la célébrité du théâtre de Corneille. » (pp. 41-43).

• Mise en ligne sur le site corneille-moliere.org d’une traduction française de  l’article russe d’Elena Rodionova et de Mikhaïl Marusenko (2008) sur la paternité des œuvres signées Molière, selon la technique dite de la « reconnaissance des formes », technique de statistique basée sur la syntaxe, et qui corrobore les résultats obtenus par Cyril et  Dominique Labbé avec la méthode du « calcul de la distance intertextuelle » (2002).

• Octobre : Corneille Molière L’Arrangement, une comédie de Valérie Durin dans laquelle « Corneille compose, Molière dispose. Corneille écrit, Molière construit. »

• Elena Rodionova, diplômée de la chaire de linguistique mathématique à l’Université de Saint-Pétersbourg, publie, sous la direction du professeur Mikhaïl Marusenko, sa thèse consacrée à la question de la paternité des œuvres de Molière. Sur un corpus de treize pièces en vers de Molière (Amphitryon ne fut pas étudiée à cause des nombreux vers libres qu’elle renferme et qui auraient faussé le calcul), l’algorithme de « la reconnaissance des formes », basé sur la syntaxe, confirme que Le Dépit amoureux, L’Ecole des Maris, Les Fâcheux, L’Ecole des Femmes, Tartuffe, Les Femmes savantes sont attribuables à Pierre Corneille avec une probabilité supérieure à 95%. Sganarelle, Le Misanthrope, Mélicerte, La Pastorale comique obtiennent un degré de probabilité allant de 63 à 73%. La thèse d’Elena Rodionova n’a aucun écho chez les dix-septiémistes de la Sorbonne. 


2011 – Mars : Europe 1 diffuse dans le cadre de sa série « Au cœur de l’Histoire », animée par l’historien Franck Ferrand : « l’affaire Corneille-Molière » avec pour invités : l’écrivain et chercheur Denis Boissier et le metteur en scène Jean-Laurent Cochet, lequel se déclare plus que jamais convaincu de la part prépondérante de Corneille dans le théâtre moliéresque76.

• Mars : « Corneille, plume de Molière ? » Un court documentaire réalisé par Seine-Maritime/76 Télévision.77

• Juin : Création du site « Corneille Molière, controverse sur l’utilisation d’algorithmes pour déterminer la paternité d’une œuvre » par des étudiants à Télécom ParisTech.

 • Septembre : Mise en ligne sur l’Encyclopédie Google Knol par l’écrivain et chercheur Denis Boissier de l’article « Historique argumenté de l’affaire Corneille-Molière ».

• Octobre : Les articles sur l’Encyclopédie Google Knol « Molière : visage et masques » et  « L'affaire Corneille-Molière » de Denis Boissier, obtiennent l'un et l'autre la "Récompense de l’article le plus consulté".

• Novembre : TF1 dans sa série « Maisons de personnes illustres » consacre un mini reportage à la maison de Pierre Corneille, à Petit-Couronne. Sophie Fourny-Dargère, conservatrice du Musée Pierre Corneille, Petit-Couronne, explique : « Molière qui cherche à devenir la troupe numéro un a besoin d’un grand auteur capable de lui apporter la renommée. Corneille, lui, a besoin d’une troupe, la meilleure, celle dont tout le monde parle, pour pouvoir valoriser ses pièces. Il y a eu des recherches faites par des universitaires et des chercheurs dûment patentés et, effectivement, il y a une quinzaine de pièces de Molière, parmi lesquelles Le Malade imaginaire, Les Femmes savantes, par exemple, qui sont reconnues aujourd’hui comme ayant été écrites par Pierre Corneille. »

• Décembre : Financé par l’IUF/Sorbonne, Georges Forestier, Claude Bourqui et François Pagès ouvrent le site « Molière-Corneille ou Molière auteur des œuvres de Molière ». Il y est annoncé : « La vocation de ce site est de rappeler que Molière est l’auteur des œuvres de Molière, que Molière auteur et Molière comédien sont une seule et même personne, que nul jusqu’au début du XXe siècle (à plus forte raison parmi ses contemporains) n’avait jamais émis l’esquisse de l’amorce d’un doute et qu’il n’existe effectivement AUCUN élément susceptible d’introduire LE MOINDRE DOUTE. »

• Fin 2011, le site corneille-moliere org, site officiel de l’affaire Corneille-Molière, créé en  2006, propose plus de 1800 pages d’études, d’entretiens et de documents, et a suscité plus deux cent mille visites.


2012 – Mars : Création du site corneilleavecmoliere.net, animé par Denis Boissier.



Notes et références


1.  Les Précieuses ridicules, comédie représentée au Petit-Bourbon, nouvellement mises en vers, 1660.

2.  Panégyrique de L’Ecole des Femmes, 1663.

3.  La Guerre comique, 1663. 

4.  La Vengeance des marquis, 1663.

5.  Idem

6.  Le Verrier, les Satires de Boileau commentées par lui-même, publiées avec des notes de Frédéric Lachèvre, 1906, p. 26.

7.  Le Jugement des savants sur les principaux ouvrages des auteurs, 1686.

8.  Lettre à Brossette du 12 mars 1706.

9.  Notes historiques sur la vie de Molière, 1851, p. 3.

10.  La Comédie de Molière, l’auteur et le milieu, 1903, p. 375.

11.  Lettre critique à M. de *** sur le livre intitulé La Vie de M. de Molière (1706), in La Vie de M. de Molière (1705), éd. critique Georges Mongrédien, 1955, p. 146.

12.  Molière, 1900, p. 7.

13.  Corneille inconnu, 1876, pp. 135 et 136.

14.  In Le Moliériste, 1879, n° 1, p. 3.

15.  De Malherbe à Bossuet, 1885, p. 129.

16.  Repris dans Le Livre de Caliban, 1887.

17.  Molière à l’Ecole républicaine, de la critique universitaire aux manuels scolaires, 1992, p. 163.

18.  « Molière », XVIIe siècle, études littéraires, 1890, p. 293.

19.  Molière à Bordeaux et ses fins dernières à Paris, 1896, T. I, p. 60.

20.  Idem, T. II, pp. 537-538.

21.  La Revue de Paris, 1er mai 1901 ; rééd. in Essais de méthode, de critique et d’histoire littéraire, 1965.

22.  « Les Dernières recherches sur la vie de Molière », 1877 ; repris dans Etudes critiques sur l’histoire de la littérature, 1880-1907, 1ère série, p. 96.

23.  Molière, 1908, T. I, p. 2.

24.  René-Louis Doyon, « Molière, panacée universitaire », in Les Livrets du Mandarin, automne 1957-mars 1958.

25. « Entretiens avec Pierre Louÿs », Comœdia, 19 octobre 1919. Principaux articles de Louÿs :« L’auteur d’Amphitryon », in Le Temps, 16 octobre 1919 ; Entretiens avec Pierre Louÿs, in Comœdia, 19 octobre 1919 ; « Corneille le grand », in Comœdia, 24 octobre 1919 ; « Avant de parler », in Comœdia, 24 octobre 1919 ; « Les Femmes savantes », in Comœdia, 25 octobre 1919 ; « Alceste qui fut Alceste », in Comœdia, 29 octobre 1919 ; « L’Imposteur de Corneille et le Tartuffe de Molière », in Comœdia, 7 novembre 1919 ; « Les deux textes de Psyché », in Comœdia, 9 novembre 1919 ; « Lettre », in Le Mercure de France, 15 février 1920. Le dossier constitué par Pierre Louÿs a été dispersé par ses héritiers au cours d’innombrables ventes d’autographes. Une infime partie de ce dossier sera recueillie dans Pierre Louÿs, Littérature (posthume 1929) ; dans Frédéric Lachèvre Broutilles (1938) ; dans le tome IX de Pierre Louÿs, Œuvres complètes (1929-1931 ; Slatkine  Reprints 1973) ; dans Denis Boissier, L’Affaire Molière (2004) ; dans Jean-Paul Goujon, Jean-Claude Lefrère « Ote-moi d’un doute… » l’énigme Corneille-Molière (2006) ; sur le site corneille-moliere.org. (2007, rubrique "Documents inédits" : « 21 pages inédites de Pierre Louÿs »).

26.  « Corneille est-il l’auteur d’Amphitryon ? » in La Revue Bleue, 15-22 novembre 1919.

27.  In journal Le Temps, 16 oct. 1921.

28.  Edition posthume, 1968.

29.  In « Molière Hoffestspiel von Tartuffe (1664) ».

30.  Dictionnaire critique de biographie et d’histoire, 2ème édition, 1872.

31.  Iconographie moliéresque, 1876, p. 252.

32.  « Aux écoutes du génie », in Cahiers de l’Etoile, janvier-février 1930, p. 8.

33.  Glanes bibliographiques et littéraires, 1933, p. 272.

34.  Idem, p. 279.

35.  In journal  Le Temps, 28 janvier 1936. 

36. Lettre à Monsieur Letard, 15 novembre 1943, collection privée ; cf. aussi son livre Souvenirs, 1953, p. 66 et suivantes.

37.  Elizabeth Fraser, La Mort de Solon, pièce attribuée par Elizabeth M. Fraser à Pierre Corneille, 1949 (édition à compte d’auteur). « A propos de La Mort de Solon », in  journal Le Monde, 8 septembre 1949.

38.  Introduction à la lecture des poètes français, pp. 146-148.

39.  12 août 1949.

40.  P. 265, note 1.

41.  In journal Carrefour, 4 septembre 1957 ; repris dans Feuilletons littéraires, 1955-1964, T. I, 1999, p. 202.

42.  « Molière, panacée universitaire I et II », in Les Livres du Mandarin, automne 1957 et mars 1958, p. 29.

43.  P. 280.

44.  P. 65.

45.  Corneille, en son temps et en son œuvre, 1997, chapitre « Corneille a-t-il écrit les œuvres de Molière ? », p. 470.

46.  Colloque international des premières biennales Molière, 2001.

47.  In Journal of Quantitative Linguitics, vol. 8, n° 3, december 2001.

48.  In Les Arts du spectacle au théâtre, textes édités et présentés par Marie-France Wagner et Claire Le Brun-Gouanvic, 2001, pp. 143 et 145.

49.  P. 93.

50.  In journal Le Figaro Magazine, 13 septembre 2003.

51.  Sur le site du Centre de Recherches sur l’Histoire du Théâtre. 

52.  « Une petite contribution à l’affaire Corneille-Molière » sur le site sympa.univ-paris3.fr.

53.  « Réponse à Georges Forestier sur quelques points d’histoire » sur le site corneille-moliere.org.

54.  Sur le site corneille-moliere.org.

55.  P. 224.

56.  http://www.e-litterature.net/publier2/spip/spip.php?page=ancientxt&repert=berthoux&titre=moliere&num=678

57.  Lundi 10 mai 2004.

58.  Université de Lille 3,  2004. Pour les trois citations : p. 27 ; p. 147 ; p. 442.

59. « Pierre Corneille dans les répertoires des troupes de Molière, et de l’Hôtel Guénégaud », in Corneille, Revue d’Histoire Littéraire de la France, juillet 2006, p. 580.

60.  P. 385.

61.  In Le Journal du Dimanche, 29 octobre 2006.

62.  « Corneille-Molière : itinéraire d’un sceptique » sur le site corneille-moliere.org.

63.  25 juillet 2006, sur le site L’Alamblog.

64.  Sur le site du Centre de Recherches sur l’Histoire du Théâtre. 

65.  Sur le site corneille-moliere.org.

66.  « Quand Wikipédia est tendancieuse et partiale » sur le site corneille-moliere.org.

67.  P. 873.

68.  Département de Français 3.1.5 ; Centre universitaire de Roskilde 2007.

69.  « Impromptus sur l’affaire Corneille-Molière », sur le site corneille-moliere.org

70.  http://www.corneille-moliere.org/pageshtml/cnrsetaffaire.html#censcnrs

71.  http://www.corneille-moliere.org/pageshtml/cnrsetaffaire.html#cmrs

72.  P. 106.

73.  « Denis Boissier, sur la piste d’un nouveau Corneille » sur le site corneille-moliere.org.

74.  P. 203. http://www.pacte.cnrs.fr/spip.php?article1614

75.  Sur le site corneille-moliere.org.

76.  Lien sur le site corneille-moliere.org.

77.  Lien sur le site corneille-moliere.org.

  

Liens externes

 

  1. Articles de Pierre Louÿs



Site officiel de l’affaire Corneille-Molière  :

Articles de Dominique Labbé :

« Corneille a écrit seize pièces représentées sous le nom de Molière »

« L’attribution à Corneille des principales pièces de Molière, quelle valeur scientifique ? »

« Corneille et Molière »

« Le comédien prête-nom d’un grand écrivain » 

« Qui a écrit Dom Juan ? Molière est-il l’auteur des pièces parues sous son nom ? » :

« La classification des textes » 

« Ce que disent les phrases de Corneille et Molière » 


Articles de Mme Elena Rodionova et M. Mikhaïl Marusenko :

« Mathematical Methods for Attributing Literary Works when Solving the "Corneille-Molière" Problem » 

« Corneille-Molière, confirmation scientifique de leur collaboration par l’Université d’Etat de Saint-Pétersbourg »


Articles de Denis Boissier :

« Position de thèse des cornéliens (continuateurs de Pierre Louÿs) »

« Boileau, d’Aubignac et La Fontaine dévoilent la collaboration Corneille-Molière »

« Molière a les vingt-six caractéristiques du Bouffon du Roi »

« L’origine et la signification du nom "Moliere" »

« Quatre lettres d’un agrégé de Lettres à M. Denis Boissier, avec réponses »


Article et émission sur Europe 1 de Franck Ferrand :

« La langue de Corneille » 

Au cœur de l’Histoire : l’affaire Corneille-Molière 

  
 
 


Comédie Française. Collection Musée Départemental Pierre Corneille, Petit-Couronne