Pierre Corneille, le Janus du théâtre
Pierre Corneille, le Janus du théâtre
RÉSUMÉ
Il est difficile aujourd’hui de faire connaître le vrai Corneille, de présenter ce
Janus du théâtre au visage sérieux et solennel, mais aussi frondeur et
moqueur. Le XXe siècle n’a offert qu’un fantôme qui n’a ni sang ni sueur, ni
vertiges ni illusions à faire partager. On a pieusement assassiné Corneille et
depuis, nous vivons tous avec son cadavre – dont nous ne savons que faire.
Denis BOISSIER
(Mai 2009 )
Introduction
On dit de Pierre Corneille (1606-1684) qu’il est un "poète chrétien" et l’auteur de quatre ou cinq grandes tragédies, le reste ne méritant pas qu’on s’y intéresse. Cette vision est aussi injuste que réductrice. Il y a un autre Corneille dont nous n’arrivons plus aujourd’hui à mesurer l’envergure tant il fut secret et protéiforme. Le vrai Corneille – pas le fantoche qu’on a fait de lui – a su dire "non" au snobisme élitiste de son époque, "non" à la tyrannie de la « bienséance ». En plein absolutisme, il fut le seul à prôner des idées "républicaines". Ses contemporains lui ont attribué le texte le plus érotique de son temps, l’abbé d’Aubignac a recensé cent hérésies dans son œuvre la plus "chrétienne" et a affirmé, ainsi que Boileau, qu’il était le collaborateur de Molière.
Pour le célèbre Ferdinand Brunetière, « il ne faut pas lui faire tort d’une moitié de son génie, et, parce qu’il est l’auteur d’Horace et de Polyeucte, se le représenter comme une espèce de bonhomme sublime, héroïque et naïf, uniquement absorbé dans la contemplation des vérités morales. On serait loin du compte ! »1
PREMIÈRE PARTIE : Corneille officiel, ou tel qu’on le dénature depuis la fin du XVIIe siècle
I- L’essentiel à savoir sur le Pierre Corneille officiel
Avec Le Cid (1637), Pierre Corneille a composé peut-être la plus belle, certainement la plus célèbre pièce du répertoire français. Avec Horace (1640) et Cinna (1641), deux des plus puissantes tragédies dont la France s’enorgueillit.
C’est en son honneur que le public donna pour la première fois ce que l’on appelle aujourd’hui une standing ovation.
Il est aussi le créateur de la comédie de mœurs ; Le Menteur (1642) est le prototype de toutes les pièces que signera Molière vingt ans plus tard. Pierre Corneille a aussi inventé le décor réaliste dans La Place royale (1633), créé le drame passionnel dans Rodogune (1644), inventé le vers libre avec Andromède (1650). Il propulsa la carrière de deux des plus célèbres comédiens de son temps : Jodelet « le fariné » et Floridor « le tragique ». C’est la notoriété de Corneille qui décida Louis XIII à protéger les comédiens de l’opprobre populaire. L’édit royal de 1641 permettra, deux ans plus tard, à un jeune homme « enfant de famille » nommé Jean-Baptiste Poquelin d’opposer sa vocation théâtrale aux prétentions professionnelles de son père, Tapissier du Roi.
Pierre Corneille fut aussi le premier, en 1643, à définir le double concept de droits d’auteur et de droit moral que tout créateur doit pouvoir exercer sur son œuvre. Il ne sera pas écouté (il faudra attendre la Révolution française et Beaumarchais). Corneille a traduit du latin et versifié l’œuvre religieuse la plus lue de son siècle : L’Imitation de Jésus-Christ (1651-1656). Ses Discours (1660) sur l’art dramatique et les Examens de chacune de ses pièces font de lui le premier (et le seul) grand critique de son siècle. C’est aussi le premier à vouloir, dès 1663, moderniser l’orthographe, notamment en séparant les lettres f et s alors écrites l’une et l’autre avec le seul f ; en dissociant le i du j , le u du v ; en écrivant « dignités » et non plus « dignitez » ; en mettant des accents afin que le mot « severité » devienne « sévérité ».
Jalousé, attaqué, Pierre Corneille quittera par trois fois les scènes parisiennes. Pendant ses retraites totalisant une douzaine d’années, il formera son jeune frère Thomas, dont Timocrate, en 1656, sera la pièce la plus jouée de son temps.
Après 1652 Pierre Corneille est passé de mode. Ses nouvelles tragédies sont critiquées et délaissées. A cause de « sa gloire à nulle autre pareille », il ne peut plus écrire de comédies car celle-ci, accusée de tous les maux, risque à tout instant d’être interdite en France. Est-ce la fin pour Pierre Corneille ? Non, en 1658 le destin lui offre la possibilité de relancer sa carrière en la personne d’un jeune homme ambitieux : Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière. La troupe dont il fait partie veut créer le troisième théâtre de Paris…
Ensemble ils vont révolutionner le théâtre et anticiper les prochains siècles.
II- Chronologie des œuvres officielles de Pierre Corneille
Les pièces de théâtre sont indiquées en rouge.
1606 – Naissance le 6 juin de Pierre Corneille.
1629 – Mélite, comédie, crée par la troupe de Mondory.
1630 – Clitandre, tragi-comédie.
1631 – La Veuve ou le Traître trahi, comédie.
1632 – La Galerie du Palais, comédie.
1633 – La Place royale ou l’Amoureux extravagant, comédie.
La Suivante, comédie.
1634 – Médée, tragédie.
1635 – Membre du groupe des Cinq auteurs qui écrit pour le compte du Cardinal de Richelieu, Corneille collabore à La Comédie des Tuileries.
L’Illusion comique, comédie. Corneille est alors le grand « poète comique » de son temps.
1636 – Corneille, toujours membre du groupe des Cinq auteurs, collabore à La Grande Pastorale, texte perdu, et à L’Aveugle de Smyrne.
Le Cid, tragi-comédie.
1640 – Horace, tragédie.
1641 – Cinna, tragédie.
1642 – Polyeucte, tragédie.
Le Menteur
1643 – La Mort de Pompée, tragédie.
1644 – La Suite du Menteur, comédie.
Rodogune, tragédie.
1645 – Théodore, tragédie.
1646 – Héraclius, tragédie.
1647 – Election à l’Académie française après deux échecs qui sanctionnaient surtout le fait qu’il ne réside pas à Paris.
1649 – Parution des Triomphes de Louis le Juste, poésie.
1650 – Andromède, tragédie.
Don Sanche d’Aragon, comédie héroïque.
1651 – Nicomède, tragédie.
L’Imitation de Jésus-Christ, traduite du latin. La publication en volumes s’étalera de 1651 à 1656 et connaîtra un grand succès de librairie.
1652 – Pertharite, tragédie.
1659 – Œdipe, tragédie.
1660 – Discours. Trois dissertations sur la dramaturgie où Corneille prouve qu’il est le critique le plus lucide et le plus ouvert de son temps.
1661 – La Toison d’Or, tragédie avec machineries et pyrotechnie, est applaudie à Paris, au Théâtre du Marais.
1662 – Sertorius, tragédie.
1663 – Sophonisbe, tragédie.
1664 – Othon, tragédie.
1665 – Les Louanges de la Sainte Vierge, poésie.
1666 – Agésilas, tragédie.
1667 – Attila, tragédie créée par la troupe de Molière.
1670 – Tite et Bérénice, tragédie créée par la troupe de Molière.
1671 – Psyché, comédie-ballet, en collaboration avec Molière, Quinault et Lully. La pièce a été publiée sous le seul nom de Molière.
1672 – Pulchérie, tragédie.
1674 – Suréna, tragédie.
1682 – Publication de son Théâtre complet (en 4 volumes in-12), dont il vérifia l’édition.
1684 – 1er octobre, décès de Pierre Corneille.
III- Portrait de Pierre Corneille (XVIIIe siècle, d'après Charles Lebrun)
SECONDE PARTIE : Corneille tel qu’il fut mais aussi tel qu’il se cacha
I- L’essentiel à savoir sur le vrai Corneille
« On a tout dit sur la grandeur de Corneille ; mais il n’y a peut-être pas eu, dans toute notre littérature, d’auteur plus souple et plus varié » constate son biographe Léon Lemonnier2. Corneille fut d’abord et avant tout un poète comique, c’est-à-dire populaire et d’esprit rabelaisien, avec un relent de paganisme. A une époque où les écrivains se flattaient d’écrire pour la seule élite, Corneille, lui, affirme qu’il écrit pour le public, dans son acception moderne, c’est-à-dire pour tous les hommes de bonne volonté. Très en avance sur son siècle, il s’oppose à la politique élitiste et faussement noble à laquelle se soumettent ses contemporains3.
Mais la gloire ayant utilisé l’épée du Cid pour le frapper à trente ans, il a été contraint de devenir un auteur de tragédies – et de le demeurer. Jamais plus, du moins officiellement, il ne pourra retourner à ses premières amours : la farce gauloise et l’humour satirique. Désormais soucieux de sa gloire, il cache sa polyvalence. En bon pater familias qui a à charge six enfants (dont deux aînés qui vont le ruiner), il ne montre publiquement de son génie que ce que ses contemporains sont prêts à accepter. « Poète comique », ainsi qu’il se définissait lui-même, le voici condamné à être une « gloire nationale » puis un auteur tragique démodé. Esprit pragmatique, comme les œuvres pieuses latines se vendent bien, il se fait un nom comme traducteur.
Historiquement Pierre Corneille est à la fois le père de la « bonne comédie » et celui de la tragédie. Il est aussi le premier de nos écrivains à avoir fait de sa vocation un métier. Le pontife des Lettres Jean Chapelain l’accusait d’être un « mercenaire ». Parce qu’il vend ses pièces, le fortuné Tallemant de Réaux voit en lui un « grand avare ». En 1663, l’abbé d’Aubignac l’accusera d’être un « poète à titre d’office » et de s’être « abandonné à une vile dépendance des histrions » – c’est-à-dire des farceurs – ce qui est vrai, mais non blâmable4. Corneille n’était pas riche et n’avait pas le choix. Cette revendication d’être un écrivain professionnel, que nous trouvons aujourd’hui naturelle, le XVIIe siècle n’a eu que mépris pour elle. Ses contemporains lui ont fait chèrement payer son orgueil, sa liberté de ton et les nécessités carriéristes qui furent les siennes, notamment son association avec Molière « premier farceur de France » comme l’a défini son contemporain Somaize5.
Certes Corneille a obtenu la gloire, mais très vite il fut considéré comme le vestige d’une époque révolue dont n’avait que faire un nouvel ordre moral qui planifiait la radicalisation des mœurs bourgeoises et dévotes. En butte aux envieux, aux mondains et aux censeurs, il est toutefois parvenu à imposer la profession d’écrivain et à contraindre ses contemporains à la respecter. En grande partie grâce à lui, le triple métier d’auteur, d’adaptateur et de "nègre" littéraire est reconnu et juridiquement protégé.
II – Le "dilemme cornélien"
Pierre Corneille fut le premier à éprouver le fameux "dilemme cornélien". L’alternative cruciale se posa en ces termes : écrire ou ne pas écrire pour Molière ? Devait-il assumer sa double attirance pour la comédie et la tragédie, ou réduire son génie à la seule tragédie afin d’être tel que le voulaient ses contemporains ? Obéir à la tyrannique « bienséance » de la bourgeoisie montante que favorisait Louis XIV ou donner libre cours à l’humour de la comédie gauloise et de l’esprit libertin ? Pour le corneilliste Louis Herland, « je vois bien en effet deux hommes dans Corneille, mais le contraste se situe à l’intérieur de sa personne et se retrouve, exactement symétrique, à l’intérieur de son œuvre. Car dans sa vie même, ce petit magistrat de province, ce bourgeois timoré, si humble devant les puissances, connut pour son propre compte les sensations enivrantes du pouvoir. Il fut roi, il vécut dans sa propre existence ces drames de la gloire et de l’ambition qui forment la matière de son théâtre. […] Par contraste la vie de Corneille, si sage, si peu romantique, prend un caractère aussi prodigieux que le destin d’un Rimbaud, et peut-être plus prodigieux encore : car Rimbaud vécut successivement sa double existence, mais Corneille la vécut simultanément »6.
Corneille aura connu, avec d’innombrables d’aléas, trois carrières complémentaires, mais inconciliables à son époque : de 1629 à 1636 il fut le plus célèbre des « poètes comiques ». Entre 1637 et 1652 il fut, avec Le Cid (1636), l’auteur de la plus belle pièce écrite en français et le plus jalousé et le plus attaqué des auteurs tragiques. Après 1658 et jusqu’en 1673 il devint, pour continuer à être ce qu’on ne lui permettait plus d’être, le discret collaborateur de son ami Jean-Baptiste Poquelin, dit « Moliere ». Pour Jean Schlumberger, « l’instrument qu’utilisera tout de suite Molière, c’est Corneille qui l’essaie pour la première fois. »7
III- Corneille, collaborateur de Molière
« Vous serez Aristophane quand il vous plaira,
comme vous êtes déjà Sophocle. »
Jean-Louis Guez de Balzac8
Durant la seconde moitié du XVIIe siècle, la comédie était honnie par la noblesse et les dévots. Seule la tragédie trouvait grâce à leurs yeux, et encore… Le métier de comédien protégeait les acteurs des sanctions du Pouvoir, de l’Eglise et de la Sorbonne. Dans ces conditions, se revendiquer écrivain ou poète, ou écrire des pamphlets ou des satires, c’était courir un risque majeur. D’où l’anonymat et l’utilisation d’un comédien prête-nom. Neuf comédies sur dix furent jouées sous le nom d’un comédien ou sous l’anonymat. Toutes les vedettes de la comédie étaient donc des prête-noms. Pierre Corneille avait toutes les qualités pour être l’associé d’un Bouffon du Roi, comédien-vedette, directeur de troupe et régisseur de théâtre qui n’avait pas une minute à lui :
1) il a commencé sa carrière comme "fournisseur" de la troupe de Mondory,
2) il a longtemps été un « poète comique » très applaudi,
3) il a été le collaborateur littéraire du cardinal de Richelieu et celui de son riche intendant Desmarets de Saint-Sorlin,
4) il ne fréquente aucun salon littéraire,
5) il n’est pas mondain,
6) il n’a pas de revenus professionnels suffisants,
7) il est tenu, à cause de ses six enfants, de gagner toujours plus d’argent,
8) il a pour modèle littéraire Alexandre Hardy et pour ami Jean Rotrou, tous deux poètes aux gages d’une troupe,
9) il est d’un tempérament secret et mystificateur,
10) issu de la Basoche des clercs il est rôdé à toutes les soties-satires,
11) il n’a jamais refusé une commande,
12) il est fidèle en amitié,
13) il s’est épris de Marquise du Parc, vedette de la troupe de Molière ; il éprouvera pour la jeune épouse de Molière, Armande, « une estime extrême »,
14) il maîtrise parfaitement la comédie et la satire,
15) il peut prendre tous les styles,
16) il est d’une rapidité d’exécution étonnante (Polyeucte : mille huit cents vers écrits en vingt jours ; Œdipe : en deux mois ; Psyché : en quinze jours),
17) il a des comptes à régler depuis 1637 avec les doctes, depuis 1642 avec les dévots et les Précieuses,
18) il est rancunier et revanchard,
19) il ne lâche jamais prise,
20) il a toujours cherché à mêler comédie et tragédie (tous les chefs-d’œuvre signés Molière sont à la frontière des deux genres),
21) il a publiquement revendiqué dans l’Avis au Lecteur du Menteur le droit de démarquer et d’emprunter au théâtre étranger (ce que ne cessera de faire Molière),
22) à la différence de ses confrères, son but est de « plaire au peuple » (cf. l’Epître de La Suite du Menteur),
23) lui seul fut présent à chaque grande étape de la carrière de Molière : notamment à Rouen en 1643, au départ de sa carrière parisienne en 1658, lors de son plus grand succès auprès du Roi : Psyché (1671) ; et quand Molière mourra, Corneille se rapprochera de son disciple, le comédien Baron.
Aucun écrivain dans l’entourage de Molière, même Chapelle, même Boileau, n’a possédé ne serait-ce que trois ou quatre de ces caractéristiques.
"Corneille et Molière, 1658" commémoration en 1858 de la naissance symbolique de la Comédie-française
Graveur : Valentin-Maurice Borrel (Collection Musée Départemental Pierre Corneille, Petit-Couronne)
IV- Chronologie des œuvres officielles et non officielles de Corneille
« On aura de la peine à croire que deux pièces d’un style si différent
soient parties de la même main dans le même hiver. »
Corneille9.
Les pièces signées Corneille sont indiquées en rouge ; en vert celles qui, selon nos thèses, ont été écrites10 pour « Moliere ». En gras, les étapes importantes.
1606 – Naissance le 6 juin de Pierre Corneille.
1625/1629 (19-23 ans) – Avec Mélite, créée par la troupe de Mondory, Corneille invente la comédie de mœurs. La pièce contient des scènes de farce. 1629 est la date d’écriture généralement acceptée, mais 1625, date donnée par son neveu Fontenelle, est accréditée par plusieurs spécialistes.
Jeune avocat et apprenti libertin, Corneille s’initie au théâtre satirique de la Basoche des clercs, participe à des mascarades, fournit des textes anonymes pour le carnaval. Souvent amoureux et souvent dédaigné, il écrit des poésies par dépit.
1630 – Clitandre, tragi-comédie où il se moque des auteurs tragiques, ses rivaux.
1631 (25 ans) – La Veuve, comédie. Il impose le style "naturel" dont on accrédite aujourd’hui Molière. Il est le fournisseur attitré de la troupe de Mondory.
1632 – La Galerie du Palais, comédie qui utilise une rue pour décor. Corneille vient d’inventer le décor réaliste, que l’on retrouvera dans L’Ecole des femmes. Cette pièce contient des scènes de farces.
1633 – La Place royale ou l’Amoureux extravagant, comédie. Il crée avec Alidor le prototype de Dom Juan.
La Suivante, comédie, avec des scènes de farces.
1634 – Médée, tragédie.
1635 – Membre du groupe des Cinq auteurs qui écrit pour le Cardinal de Richelieu, Corneille collabore à La Comédie des Tuileries. C’est avec le cardinal de Richelieu qu’il commence sa carrière de collaborateur. Pour la même raison – le manque d’argent – il la continuera avec Molière, puis l’achèvera avec le disciple de Molière, Baron. Dans l’acte III de La Comédie des Tuileries Corneille créé les prototypes de Tartuffe et de Célimène.
L’Illusion comique, comédie.
Corneille a donc présenté la tragédie Médée et, dans le même temps, la délirante comédie L’Illusion comique. Vingt-cinq ans plus tard, il écrira des tragédies sous son nom et des comédies sous celui de Molière.
1636 (30 ans) – Toujours membre du groupe des Cinq auteurs, il collabore avec Richelieu à La Grande Pastorale, texte perdu.
Le Cid, tragi-comédie. La standing ovation a été inventée, pour cette occasion, en l’honneur de Pierre Corneille.
1637 - Collaborateur du cardinal Richelieu pour L’Aveugle de Smyrne.
Blessé par les attaques de ses confrères jaloux de sa gloire « à nulle autre pareille », il fait une retraite de trois ans, sans arrêter d’écrire.
1640 – Horace, tragédie. Si on lit les acrostiches des vers 444 et suivants, où Horace défend de nobles idées, apparaissent les mots : SALE CUL. Autrement dit, le poète n’était pas dupe des sortilèges de son style. Son association avec Molière confirmera cette façon de concevoir un spectacle.
Corneille épouse Marie Lempérière, de douze ans sa cadette. Comme le barbon Arnolphe de L’Ecole des Femmes, Corneille n’aimera ou ne s’entichera que de très jeunes femmes.
1641 – Cinna, tragédie. Toujours à court d’argent, il dédie cette œuvre, comme les précédentes, à un riche mécène. Son confrère Jean Claveret l’accuse de « vendre ses denrées poétiques » et de faire, avec ses œuvres, « métier et marchandise »11.
1642 (36 ans) – Polyeucte : mille huit cents vers écrits en vingt jours. Cette tragédie prétendument "chrétienne" est condamnée par l’évêque Godeau et par les Précieuses. C’est le début de la rancune de Corneille envers les Précieuses, les dévots et les abbés mondains. L’historien des Lettres Ferdinand Brunetière écrit : « Pour comprendre tout à fait Polyeucte, il faut songer à Tartuffe et c’est le chef-d’œuvre de Molière qui achève d’expliquer, en lui servant de réplique ou de contrepartie, le chef-d’œuvre de Corneille »12. Exactement ce qu’affirmera Pierre Louÿs en 1919 : « Tartuffe et Polyeucte sont les deux pôles du même cerveau »13.
Le Menteur, prototype des comédies que signera un jour Molière. « Père de la tragédie et père aussi de la comédie, Corneille a fait Racine et il a fait Molière. » (Jules Barbey d’Aurevilly)14. Bien sûr, Le Menteur n’a pas toutes les qualités des meilleures pièces signées « Moliere », il ne s’en dégage aucun enseignement moral – pour deux raisons : Corneille n’a pas atteint sa pleine maturité et la mode n’est pas encore à la morale.
Corneille a donc présenté la même année deux pièces diamétralement opposées.
1643 – La Mort de Pompée, tragédie. Dans cette tragédie, le frondeur Corneille prône les vertus des idées républicaines. En plein régime absolutiste de Louis XIV, il est le seul auteur à avoir ce courage.
A la mort de Richelieu, Corneille perd sa pension. Mazarin devient le nouveau mécène sans lequel Corneille ne pourrait survivre. Le prochain sera Molière.
Après le triomphe du Menteur, l’écrivain Guez de Balzac lui écrit : « Vous serez Aristophane quand il vous plaira, comme vous êtes déjà Sophocle »15. L’avenir lui donnera raison.
Une édition réunit plusieurs pièces de Corneille sous le titre L’Illustre Théâtre. La troupe de Madeleine Béjart et de Jean-Baptiste Poquelin prend, elle aussi, le nom de l’Illustre Théâtre16.
Au printemps-été 1643 la troupe de Madeleine Béjart et de Jean-Baptiste Poquelin séjourne plusieurs mois à Rouen. La famille de Madeleine Béjart et Corneille ont le même protecteur, le duc de Guise. Corneille s’intéresse à cette troupe parce qu’elle veut ouvrir le troisième grand théâtre parisien. En 1879 le moliériste Eugène Noël chagrina ses confrères en écrivant : « Qu’on se figure les relations qui durent s’établir ! »17. Nous pensons que Corneille a offert à Jean-Baptiste Poquelin son pseudonyme : « Moliere », de l’ancien verbe « molierer » : légitimer18. Dès son retour à Paris Poquelin signe « Moliere ». « Ce fut alors que Moliere prit le nom qu’il a toujours porté depuis. Mais lorsqu’on lui a demandé ce qui l’avait engagé à prendre celui-là plutôt qu’un autre, jamais il n’en a voulu dire la raison, même à ses meilleurs amis », écrit Grimarest, son premier hagiographe19.
1644 – La Suite du Menteur, comédie. Le célèbre comique Jodelet qui interprète le valet fariné essentiel à la dynamique de la pièce jouera en 1659 dans Les Précieuses ridicules. Jodelet « Héros de la Farce », comme l’appelle Pierre Corneille, est une esquisse de ce que sera Molière vingt ans plus tard : le « premier Farceur de France »20.
Avec Rodogune, Corneille crée le drame passionnel.
La Suite du Menteur, Rodogune : deux pièces que tout oppose. Jamais Corneille n’offre au public ce à quoi il s’attend. « En un temps de littérature dirigée et volontiers moralisante, ils [ses contemporains] le faisaient plus ou moins malignement apparaître comme un écrivain subversif » constate Georges Couton21.
1645 – Théodore, vierge et martyre. Cette tragédie "chrétienne" sur laquelle ses contemporains ne se faisaient aucune illusion échoue. La rancœur de Corneille contre les dévots grandit. Pour le moliériste François Rey, « la dédicace de Théodore, où l’évocation de la sainteté des vierges (ou de la virginité des saintes) côtoie celle de la prostitution et des bordels, est un morceau dont les libertins parmi lesquels vivait Molière devaient être particulièrement friands »22.
1646 (40 ans) – Héraclius, tragédie. Pour le corneilliste André Le Gall, le vers 1408, « "Devine si tu peux, et choisis si tu l’oses" livre un Corneille amateur d’énigmes, de significations à double fond, de trésors cachés, d’implicite »23.Corneille adore mystifier son auditoire. Nous devons toujours avoir en mémoire le vers 1408 lorsque nous lisons ou écoutons ses œuvres, surtout celles qu’il n’a pas signées.
Il commence une deuxième retraite qui durera trois ans.
1647 – Election à l’Académie française, après deux échecs qui sanctionnaient surtout le fait qu’il ne réside pas à Paris. Il refuse toutefois de quitter Rouen. Il n’abandonnera sa ville natale qu’en octobre 1662, lorsque Louis XIV aura offert le Palais-Royal à Molière et que celui-ci, selon nous, lui demandera d’être à ses côtés, selon la volonté même du Roi.
1649 – Parution des Triomphes de Louis le Juste, poésie écrite dans l’espoir (déçu) d’attirer l’attention du jeune roi. En matière théâtrale et poétique Louis XIV ne s’intéresse qu’à la farce et à la danse, au comédien-bouffon Molière et au musicien-bouffon Lully.
1650 – Andromède, pièce avec machineries où Corneille introduit le vers libre. Cette révolution donnera naissance au théâtre moderne. Jamais à court d’idées, il invente pour ce spectacle qui s’apparente parfois au cirque le "programme" que les spectateurs s’arrachent.
Don Sanche d’Aragon, comédie héroïque.
1651 (45 ans) – Nicomède, tragédie. Le personnage de Nicomède se montre insolent, avec cette nuance d’ironie qui fait les frondeurs. Pierre Corneille est ainsi prêt à travailler simultanément pour un roi absolutiste et contre lui, c’est-à-dire pour celui qui est son reflet inversé : le Bouffon du Roi. Le thème, réputé moliéresque, du vieillard ridicule, qui se lisait déjà La Suivante (1633), se retrouve dans Nicomède.
L’Imitation de Jésus-Christ, traduite du latin, est publiée en volumes de 1651 à 1656 et connaîtra un grand succès de librairie car les ouvrages pieux se vendent bien. Comme le rappelle l’historien Antoine Adam, publier des traductions est « un symptôme assuré, au XVIIe siècle, d’impécuniosité »24. Plusieurs témoignages attestent que Corneille a travaillé à cette adaptation dans un but financier.
1652 – Pertharite, tragédie, échoue. Le procédé qui consiste à retarder le plus possible l’arrivée du personnage principal, procédé que ses contemporains lui ont reproché, mais qui suscite une formidable attente chez le spectateur, sera repris dans Tartuffe (1664).
Corneille entame une troisième retraite de sept années durant laquelle il ne cesse pas d’écrire et d’exprimer son ressentiment. Il n’exerce plus ses fonctions d’avocat du Roi et ne touche plus de subsides. Le corneilliste André Le Gall s’interroge : « L’échec de Pertharite, est-ce le signe du destin ? Le signe par lequel Corneille a reconnu qu’il lui fallait réorienter sa vie ? »25.
1653 – La Troupe de Madeleine Béjart/Molière représente à Lyon Andromède de Corneille. L’amitié de Pierre Corneille et la présence du musicien-poète Dassoucy, ancien collaborateur de Corneille, a orienté ce choix, car la Troupe joue Andromède autant pour honorer Corneille que pour profiter de Dassoucy. Andromède est la meilleure carte de visite que peut espérer une troupe qui ne veut pas perdre le soutien de Pierre Corneille.
1658 (52 ans) – Le 19 mai, Thomas Corneille, cadet de Pierre, écrit de Rouen à son ami l’abbé de Pure que son frère et lui attendent l’arrivée de la troupe de Madeleine Béjart/Molière.
La Troupe fait un second séjour de plusieurs mois à Rouen. Corneille ne touche plus de pension depuis 1651. Depuis sa disgrâce auprès de Mazarin il n’exerce plus sa charge aux Eaux et Forêts. Il a donc deux raisons de s’associer à la troupe de Béjart/Molière : sa médiocre situation financière et l’impasse artistique où il se trouve. De plus, Corneille est tombé sous le charme de Marquise du Parc, la plus jolie comédienne de la troupe.
Un document prouve que durant l’été 1658 les frères Corneille lisent et apprécient La Précieuse de leur ami l’abbé de Pure, roman qui raille certains traits de la préciosité. Plus tard on reprochera aux Précieuses ridicules (1659) jouées par Molière de plagier une pièce de ce même abbé de Pure proche des frères Corneille.
Vers octobre, Corneille et Molière "montent" à Paris ; le Comédien espère être présenté au Roi ; le Poète veut remercier le surintendant Fouquet qui lui a commandé une nouvelle tragédie, Œdipe.
La Troupe de Molière s’installe à Paris avec la bénédiction de Louis XIV qui a choisi Molière pour être son amuseur et bientôt pour assumer l’« emploi » de Bouffon du Roi26.
L’Etourdi triomphe à Paris en novembre.
Le Dépit amoureux est applaudi en décembre. Pour les beaux yeux de Marquise et parce qu’il s’est associé avec Molière, nous avons tout lieu de penser que Corneille a revu ces deux comédies qui sont des adaptations de pièces italiennes.
1659 – La troupe de Molière joue devant la Reine-mère et le Roi cinq pièces de Pierre Corneille (en ouverture : Nicomède). Grâce à l’appui du Roi, Molière, pressé d’ouvrir le troisième grand théâtre de Paris, devient le porte-voix officiel de Corneille. « L’obstination de Molière à jouer du Corneille est frappante : il reprend des pièces anciennes, il monte des pièces nouvelles. Tout se passe comme si avec une obstination digne d’un meilleur succès, il avait voulu se faire l’interprète de Corneille, voire s’imposer à Corneille comme son interprète » écrit Georges Couton27.
Les Précieuses ridicules, adaptées par les frères Corneille et les comédiens de la Troupe de la pièce Les Précieuses de leur ami l’abbé de Pure, sont présentées, sans nom d’auteur, en complément de Cinna. Le scandale est si grand que la pièce est interdite. Le Roi qui a élu Molière pour assumer la fonction de Bouffon du Roi, défend la pièce, d’autant qu’il n’apprécie pas les femmes qui veulent s’émanciper. Les Précieuses ridicules triomphent.
Œdipe, tragédie commandée par le surintendant des finances Fouquet. Achevée en deux mois, cette œuvre obtient un succès d’estime, dû sans doute aussi à la personnalité de son commanditaire.
1660 – La Toison d’Or. Cette tragédie avec machineries et pyrotechnie a été jouée au château de Neubourg en novembre 1660, avant de faire carrière à Paris l’année suivante, au Théâtre du Marais.
De Villiers dédie sa pièce Le Festin de pierre ou le Fils criminel (1660) à Pierre Corneille. Quel est le héros du Festin de pierre ? Don Juan. Ainsi l’auteur "chrétien" de Polyeucte ou de Théodore vierge et martyre reçoit en hommage une pièce dont le héros est un athée libertin...
Dans ses trois Discours sur la dramaturgie, Corneille prouve qu’il est le critique le plus lucide de son temps, aussi le plus ouvert.
1661 (55 ans) – 20 janvier : Avec l’ouverture du Palais-Royal, qu’il dirige, le rêve de Molière s’est réalisé. Celui de Corneille aussi.
4 février : Dom Garcie de Navarre, pièce que nous pensons écrite par Corneille, sans doute à l’époque de Don Sanche d’Aragon (1650). Ces deux comédies héroïques ont de nombreux points communs, jusqu’aux noms des personnages. Molière est si médiocre dans les rôles sérieux que c’est l’échec. N’ayant pas réussi dans son rôle officiel de porte-voix, le Légitime (l’ancien verbe molierer signifie, rappelons-le, légitimer) devient officieusement le prête-nom de Corneille. En ce temps-là, les auteurs signaient leurs tragédies – genre noble – mais utilisaient pour les comédies, les satires et les farces, des acteurs qui leur servaient de prête-nom, les protégeaient contre les représailles, assuraient le succès des comédies et leur publication, en échange d’un partage des bénéfices.
Les Fâcheux, comédie jouée pour les fêtes de Vaux-le-Vicomte organisées par le surintendant Fouquet, nouveau protecteur de Corneille. Jean Donneau de Visé, un proche de Molière, révèle que « plusieurs de ses amis ont fait des scènes aux Fâcheux »28.
A la disgrâce de Fouquet en septembre, Corneille ne touchera plus de pension. Après celle de Richelieu puis de Mazarin, c’est la troisième pension qu’il perd.
Les Fâcheux sont dédiés « au Roi », premier signe que Molière assume « l’emploi » de Bouffon du Roi.
1662 – Sertorius, tragédie. Comme toutes ses nouvelles tragédies, c’est un échec.
Le 25 avril, Corneille écrit à l’abbé de Pure qu’il aide la carrière de Mlle Marotte, (Marie Vallée) jeune comédienne "gagiste" de la troupe de Molière qui jouera Georgette dans L’Ecole des Femmes.
Le 7 octobre, Pierre Corneille (accompagné de son frère Thomas), s’installe à Paris, près de Molière qui, plus que jamais, a besoin de son associé. Les satires vont se succéder à un rythme cornélien. « On ne sait ce qui décida Corneille à quitter une ville où il avait vécu cinquante-six ans – en fait, depuis sa naissance » écrit le corneilliste René Guerdan29. Pour un homme qui en dépit de ses deux candidatures à l’Académie française a refusé de quitter son fief, il faut pour le moins un cas de force majeure, car Paris est la ville la plus chère de France et il est compromis à cause des largesses qu’à eues envers lui Fouquet. Pour abandonner ainsi sa tranquillité il faut que Pierre Corneille ait été assuré : 1) de n’être pas inquiété par la police de Louis XIV ; donc, que ce dernier se montre magnanime avec lui ; 2) de gagner beaucoup d’argent en collaborant avec Molière, donc que le Roi continue de cautionner leur association.
24 novembre 1662 : Achevé d’imprimer du Dépit amoureux. L’éditeur en adresse un exemplaire au Lieutenant-général civil et criminel au baillage de Paris, précisant que comme cette comédie est « de l’Auteur le plus approuvé de ce siècle », c’est pour cette raison qu’il la lui offre. La signification morale qu’avait alors le verbe "approuver" indique que l’éditeur, pour se mettre dans les bonnes grâces de ce grand notable, fait, à demi-mot, allusion au véritable auteur de cette comédie : Pierre Corneille.
L’Ecole des Femmes, comédie. Cette pièce renvoie à Sertorius et, comme elle, traite de l’amour d’un barbon pour une jouvencelle. Corneille qui a épousé une femme de onze ans sa cadette, et qui est l’amoureux dédaigné de Marquise du Parc – et peut-être celui de Mlle Marotte – connaît bien les problèmes liés à la différence d’âges. Pour Georges Couton, Corneille est réellement épris de Marquise du Parc : « Il semble bien que les rôles de vieillards amoureux, qui vont maintenant jalonner son théâtre, doivent quelque chose à cette crise sentimentale de la cinquantième année »30.
Le Roi gratifie Corneille d’une pension de 2.000 livres, qui sera souvent payée en retard. Celle que reçoit Molière en tant que « bel-esprit » (= courtisan qui sait flatter et qui "connaît son monde") n’en subira aucun.
1663 – Sophonisbe, tragédie.
Début de la stratégie commerciale organisée par Corneille entre les deux théâtres de ses amis Floridor et Molière. Stratégie que la critique moderne, depuis 1971, pense être une « querelle » entre Molière et Corneille.
La Critique de l’Ecole des Femmes, comédie, développe les idées théâtrales de Corneille et combat ses adversaires, notamment l’abbé d’Aubignac.
L’Impromptu de Versailles, comédie, s’en prend à tous les acteurs de l’Hôtel de Bourgogne, sauf à son directeur Floridor, grand ami de Corneille et le seul à ne pas « ronfler les vers », car Corneille, bien avant Molière, préconise chez les comédiens une diction "naturelle".
L’abbé d’Aubignac, pontife des Lettres, accuse Corneille d’être le fournisseur d’une troupe de comédiens : « Vous êtes poète et poète de théâtre, vous vous êtes abandonné à une vile dépendance des histrions… »31. « Histrions » est le mot savant pour désigner les farceurs…
1664 – Othon, tragédie.
Le Tartuffe ou l’Imposteur, comédie dont la première version, en trois actes, est interdite. Molière est attaqué de toutes parts, Corneille perd les lettres de noblesse que la gloire du Cid lui avait values.
On dit partout (notamment Boileau, Donneau de Visé, La Fontaine) que Molière est le « Térence » de son siècle, car le poète comique latin Térence avait été le prête-nom de Scipion Emilien qui se nommait aussi (c’est là qu’est toute l’ironie de cet éloge)… Cornélius32.
1665 – Dom Juan ou le Festin de Pierre, comédie en prose mélangée à des scènes de farces, triomphe pendant le carnaval.
Les Louanges de la Sainte Vierge, poésie dans le goût du temps, ne rapportent pas l’argent escompté.
Corneille, pour la saison 1664/1665, n’a fait jouer qu’une tragédie, Othon, mais ont été créés Tartuffe et Dom Juan.
1666 (60 ans) – Agésilas, tragédie, échoue.
Le Misanthrope ou l’Atrabilaire amoureux, comédie. Voir dans Alceste « la grande âme de Molière, selon moi, c’est un contresens », affirme Gustave Michaut33.
Mélicerte. Cette comédie pastorale héroïque dans laquelle Molière fait débuter son jeune protégé Michel Baron a été retravaillée par Corneille (notamment la scène 4 de l’acte II).
1667 – Attila, tragédie créée par la troupe de Molière. Bien que Corneille n’attire plus le public, Molière le paie quatre fois plus que n’importe quel autre auteur (2.000 livres).
1668 – Amphitryon. Selon Pierre Louÿs, Corneille a écrit cette comédie pour concurrencer les Sosies de son éternel rival Rotrou, que le théâtre du Marais avait repris avec succès. Le moliériste Alfred Poizat écrit : « Pour ce qui est d’Amphitryon, je viens de relire attentivement ce chef-d’œuvre, en en comparant le texte avec celui de Plaute et celui de Rotrou, et je crois bien que Pierre Louÿs a un peu raison : une partie doit être de Corneille. Ce sont les mêmes rythmes caressants avec les mêmes tours délicieux, qu’on retrouve dans Psyché »34.
L’Avare dont Corneille a écrit certaines scènes.
1669 – Le Tartuffe ou l’Imposteur. La deuxième version, en cinq actes, a été adoucie et farcie par Molière et Claude Chapelle, compagnon de débauche et "secrétaire" de « Monsieur de Moliere ». Dès février la pièce n’est plus interdite et triomphe.
1670 (64 ans) – Tite et Bérénice, tragédie créée par la troupe de Molière, est payée 2.000 livres. Pourquoi Molière paie-t-il si cher des pièces qui ne lui rapportent pas ? Parce qu’il gagne des fortunes avec les satires que lui écrit officieusement Corneille.
1671 – Psyché, comédie-ballet. La quasi-totalité de cette pièce a été composée par Corneille en quinze jours. C’est l’unique fois que la participation de Corneille est mentionnée, parce que ce spectacle a aussi nécessité la participation de Jean-Baptiste Lully et de Philippe Quinault. La pièce sera publiée sous le seul nom de Molière et jamais Corneille ne la considèrera comme sienne. Nous connaissons ainsi les modalités de l’association : une pièce achetée par Molière lui appartient et il en dispose comme il veut.
1672 – Les Femmes savantes, comédie. Pour le corneilliste André Le Gall, « il n’est pas inconcevable que Molière ait confié ses manuscrits à Corneille afin qu’il y jette un œil. Corneille a pu proposer des modifications, revoir la versification. Molière pouvait trouver dans cette lecture experte une sécurité que l’urgence dans laquelle il travaillait ne lui procurait pas »35.
Pulchérie, tragédie. Le rôle titre a été écrit pour la jeune épouse de Molière, Armande, pour laquelle Corneille éprouve depuis longtemps « une estime extrême » indique son ami Charles Robinet36. Epuisé par la maladie, Molière ne créera pas cette pièce.
1673 – Mort soudaine de Jean-Baptiste Poquelin dit « Moliere ».
La troupe de Molière cesse de jouer le "démodé" Corneille qui, à cause du décès de son associé, ne pourra plus provoquer de scandales qui remplissent les caisses.
1674 – Pour la quatrième fois, Corneille perd sa pension sans raison apparente. Devait-il la protection du Roi à la seule sollicitude de son associé ?
Suréna, tragédie. Pour trouver un nouveau débouché, Corneille a intégré dans cette œuvre les procédés d’écriture de son jeune rival Racine, ultime preuve de son aptitude à s’adapter aux goûts du public. « Comme frappé par cette mort, Corneille, jusque-là en pleine activité, n’écrira plus qu’une pièce désolée, Suréna, thrène vengeur pour la mort du mal aimé » constate Michel Autrand37.
La source principale de ses revenus étant désormais tarie, Corneille quitte en 1674 son appartement de la rue des Deux-Portes pour un logement plus modeste rue de Cléry. En 1682, il sera contraint d’habiter rue d’Argenteuil, sur la butte Saint-Roch où s’entassent tire-laine et mendiants.
1675 – Michel Baron, le jeune favori de Molière, devenu un comédien riche et célèbre, est l’ami de Corneille qui sera témoin à son mariage. Lorsque Baron, pour rehausser son prestige, publiera une dizaine de pièces, ses contemporains l’accuseront d’être un prête-nom, notamment celui de Corneille pour sa plus célèbre comédie L’Homme à bonnes fortunes, parue sans nom d’auteur.
1677 – Thomas Corneille versifie Dom Juan sous le titre Le Festin de Pierre. Il devient le poète aux gages d’Armande, veuve de Molière et directrice d’une nouvelle troupe qui va devenir en 1680, en s’associant avec celle de l’Hôtel de Bourgogne, la Comédie-Française. Comme son frère, Thomas est le collaborateur anonyme de comédiens prête-noms, notamment la vedette Hauteroche.
1682 – Publication du Théâtre complet de Corneille en 4 volumes in-12. Quelques mois plus tard paraissent les Œuvres de Monsieur de Moliere ou plutôt, comme l’explique Pierre Louÿs, Corneille « publie ses œuvres complètes et celles que signa Molière à la suite des pièces qu’il avoue »38.
1684 (78 ans) – 1er octobre, décès de Pierre Corneille que la mort soudaine de Molière et l’établissement de ses six enfants avait mis dans une délicate situation financière (ses deux aînés poursuivaient une ruineuse carrière d’officiers de l’armée du Roi).
Tableau de Lebrun et buste de Molière, collection privée (photo : Michel Marzloff)
V- Corneille, saint patron des "nègres" littéraires
« De quoi l'auteur du Cid n'aurait-il pas été capable,
s'il n'avait pas eu son génie bridé ? "
Henri Clouard39
Accusé par ses contemporains d’être un « mercenaire » littéraire, Pierre Corneille peut être considéré aujourd’hui comme le saint patron de tous les écrivains qui, n’étant pas parvenus à gagner assez sous leur nom, ont prêté à autrui leur talent et leur aptitude à écrire dans tous les styles.
- « Le fonds de Corneille, c’est le don du style. Il a eu ce qu’on peut appeler l’outil universel. » (Ferdinand Brunetière)40
- « L’instrument de Corneille a tous les claviers, tous les registres. » (Auguste Dorchain)41
- « Il était souverainement maître de sa technique et capable de traiter n’importe quel sujet ou d’écrire dans n’importe quel ton. » (Louis Herland)42
Corneille n’a pas été seulement le grand « poète comique » de la première moitié du XVIIe siècle, puis l’auteur de tragédies le plus doué que nous ayons jamais eu. Il fut aussi un auteur qui, en cinquante années d’une carrière bien remplie, a écrit toutes sortes de textes dont la postérité dévote n’a plus su que faire. En effet, il est raisonnable de supposer que plus d’un tiers de sa production est aujourd’hui oubliée ou méconnue, pour la seule raison qu’elle ne collait pas à l’idée que les générations nouvelles s’étaient faites de l’auteur de Cinna. Trois ou quatre pièces ont suffi pour que la postérité métamorphose Corneille en statue. Mais Corneille n’est pas né « statue ». C’est un écrivain qui a reconnu avoir écrit « un million de vers »43, nombre symbolique qui dit bien l’énorme quantité de pages noircies. Lui qui n’a jamais été riche a forcément travaillé, comme ses modèles Hardy, Rotrou ou Tristan L’Hermite, pour les comédiens itinérants qui avaient besoin de nouvelles comédies et de farces. Et peut-on croire qu’il n’a jamais secondé des gazetiers quand l’occasion s’en présentait, d’autant que ceux-ci étaient ses amis ? Toujours désargenté, comment n’aurait-il pas été le "nègre" de riches mécènes vaniteux qui se flattaient d’être poètes ? Lui qui composait une tragédie en un temps record n’aurait pas, durant l’injuste "Querelle du Cid", profité de sa virtuosité pour répondre anonymement à ses adversaires ?44 Et comment prétendre qu’il n’a jamais été tenté par le roman, genre alors détesté de ses maîtres d’école les Jésuites, mais qui se vendait bien ? Pierre Louÿs pourrait avoir raison de lui rendre les sept premiers chapitres de La Vraie histoire comique de Françion, best-seller anonyme et libertin que la critique moderne attribue, sans preuve ni arguments probants, au polygraphe Charles Sorel, un ami de Corneille45.
Une chose est sûre : Corneille fut l’une des plumes du cardinal de Richelieu pour des pièces de prestige. Dans l’acte III de La Comédie des Tuileries (1635) qu’il rédigea pour la vanité du cardinal, il met en scène les prototypes de Tartuffe et de Célimène. Desmarets de Saint-Sorlin, riche secrétaire de Richelieu, détestait le théâtre mais le cardinal exigeait de lui une tragédie, ce fut Mirame (1641). Nous savons par le sieur Alexandre de Campion, ami de Corneille, que « la coopération de Corneille a été demandée pour Mirame »46. Et la comédie Les Visionnaires (1637) publiée sans nom d’auteur mais attribuée au même Desmarets de Saint-Sorlin ? Selon Pierre Louÿs, « pour moitié, Les Visionnaires, sont de Pierre Corneille : les scènes 5 et 6 du premier acte, le morceau d’Hespérie à l’acte II, le monologue de Mélisse au début du IV sont de lui mot à mot »45. Hespérie annonce la Bélise des Femmes savantes. Le personnage d’Artabaze (« Je suis l’amour du ciel, et l’effroi de la terre ») reprend le personnage de Matamore de L’Illusion comique.
Bien malgré lui, Corneille fut mêlé en 1643 au procès pour sorcellerie des "possédées" du Couvent de Saint-Louis de Louviers. Il semble bien qu’il soit l’auteur de la Défense d’Yvelin. Ce texte étonnamment moderne, écrit en faveur du jeune docteur parisien Yvelin, s’insurge contre le vieux docteur rouennais et son élève de fils, tous deux bien bourgeois et bien dévots (nous avons déjà là Diafoirus et son digne fils), qui ont déclaré « possédées du démon » de braves filles quelque peu hystériques mais innocentes. Pierre Louÿs reconnaissait dans cette Défense le style de Corneille (bien modestement, nous aussi48 ).
Corneille a écrit envers et contre tous, et sans doute, en raison de son caractère orgueilleux et jamais satisfait, a-t-il à plusieurs occasions contribué à des pamphlets anonymes contre le radicalisme de Mazarin puis contre celui, plus redoutable encore, de Colbert. Corneille n’aimait pas le ministre de Louis XIV qui, en retour, lui refusera une pension.
Comment supposer qu’il n’a jamais revu les pièces de son frère cadet Thomas, formé par lui au métier de poète, ou travaillé avec lui à certaines d’entre elles ? Qui pourrait croire qu’un écrivain qui a composé plus de trente pièces de théâtre, n’en a pas écrit davantage ? Un grand écrivain écrit toujours plus qu’il ne publie. Bien des œuvres restent en chantier ou, si elles ont été achevées, demeurent dans les tiroirs. En 1946, l’universitaire Elizabeth Fraser lui a attribué deux pièces dont elle avait patiemment analysé les manuscrits : Alidor ou l’indifférent, comédie pastorale (œuvre de jeunesse, écrite vers 1623)49 et La Mort de Solon, tragi-comédie écrite entre 1650 et 1655. Pour La Mort de Solon, que nous avons étudiée, nous jugeons raisonnable de lui en accorder la paternité50. Par delà les spécificités d’un style et d’une thématique cornéliens, nous avons trois raisons : 1) C’est une tragi-comédie et nous ne voyons pas quel intérêt aurait eu un pasticheur d’imiter si bien Corneille dans un genre bâtard qui n’a jamais intéressé le public. 2) Pourquoi ce pasticheur si doué ne se serait-il jamais fait connaître ? 3) Pourquoi écarter Corneille quand il n’y a pas d’autres prétendants que lui ? Notre XXe siècle s’est-il empressé de découvrir cette Mort de Solon manuscrite, connue depuis 1784, qui sans être un chef-d’œuvre est une bonne pièce, et que Mme Fraser venait de mettre en lumière ? C’eût été une comédie signée Molière… l’Odéon lui aurait ouvert ses portes, comme il l’a déjà fait pour des manuscrits de la main de Molière miraculeusement découverts mais qui se sont révélés des supercheries littéraires.
L’artiste Pierre Louÿs, qui a passé sa vie à comprendre l’artiste Corneille, disait que personne encore n’avait réussi à prendre conscience de toute l’envergure de ce génie que les Anglais, plus lucides que nous, comparent à Shakespeare. C’est Pierre Louÿs qui a raison et non les corneillistes qui croient que tout Pierre Corneille est formaté dans les trois tomes de La Pléiade qu’ils lui ont consacrés. Que font-ils du jeune Corneille basochien, de Corneille satiriste, de Corneille revanchard, de Corneille licencieux ? Lui qui n’eut pour mécènes et confrères que des libertins n’aurait jamais écrit le moindre texte égrillard, alors que ses contemporains eux-mêmes lui attribuèrent le texte le plus érotique de son temps, L’Occasion perdue recouvrée ? Pour les dévots du XVIIe siècle, et ceux de la première moitié du suivant, il était impensable que le digne Corneille ait rédigé un texte aussi scandaleux. On a donc préféré attribuer cette "erreur de jeunesse" à un obscur poète de Cour nommé Cantenac51.
Et l’étonnant pamphlet politique qui circula après 1662 ? Ecrit contre Colbert et l’inique procès par lequel il accabla Nicolas Fouquet, L’Innocence persécutée atteste d’une colère et d’un dégoût pour les intrigues de ce ministre acoquiné avec un roi vaniteux comme un paon. 6.683 vers, soit l’équivalent de trois tragédies, dont on ignore l’auteur, ou plutôt les auteurs. Toutefois de nombreuses strophes de L’Innocence persécutée rappellent le style du Tartuffe. On peut aussi y lire, constate Georges Couton, « des vers qui sonnent comme du Cinna ou du Pertharite », et d’ajouter que « le deuxième entretien consiste en des stances du Père Annat, imitées de Polyeucte ». Pour cet éminent dix-septiémiste, l’auteur doit avoir « l’humeur », « la science théologique », « l’envergure politique », « l’hostilité pour Colbert », « l’amitié pour Fouquet », « l’aptitude à écrire des vers, et rapidement »52. Mais Couton ne veut pas supposer que Corneille, principal bénéficiaire des largesses de Fouquet, ait pu participer à un pamphlet imprégné de la philosophie de Machiavel, un auteur que Corneillel a pourtant beaucoup étudié. Ni qu’il aurait participé au mouvement de soutien en faveur de Fouquet, lui qui était l’ami de Mme de Sévigné qui dirigeait cette coalition des intellectuels favorables à Fouquet ! Cette restriction si constante et si peu fondée étonne les universitaires Jean-Jacques Lefrère et Jean-Paul Goujon : « Il est curieux que le même Couton, qui remarque à juste titre la vigueur du style et de la versification, évoque divers auteurs possibles mais jamais Corneille »53. Il semble même que personne n’ait voulu se souvenir qu’une pièce polémique avait eu pour titre : L’Innocence délivrée (1632). Or cette pièce, dont le sous-titre disparaît en 1645 pour ne laisser que Clitandre, racontait comment un certain Clitandre, favori d’un prince, se retrouvait disgracié par Rosidor, ainsi que l’avait été en 1630 le garde des Sceaux Michel de Marillac par Richelieu, ou comme l’était en 1664 le surintendant aux Finances Fouquet par Colbert. Pauvre Pierre Corneille ! De son vivant cible des dévots et des doctes, il doit à titre posthume subir l’ostracisme des « dévots de Molière », ainsi que se définissent les moliéristes54.
Conclusion
« "C’est la vérité qui est coupable", disait déjà Robespierre.
Mais quand elle déplaît à certains, elle perd
pour eux le droit d’exister. »
Henri Guillemin55
Pourquoi la postérité a-t-elle été si injuste et si réductrice envers Corneille et son œuvre ? Parce que la fin du XVIIe siècle s’acheva dans la dévotion et que sous le sceptre d’un Louis XIV devenu « roi très-chrétien » on a censuré cet Esprit païen et rabelaisien qui avait fait le succès de Molière, la joie du jeune Roi et le profit financier (partagé avec Molière) de Pierre Corneille. Pendant des décennies de politique chrétienne Corneille a perdu post-mortem tout ce qui faisait sa truculence et sa sensualité. A cause de la « bienséance », code moral étroit imposé par l’esprit bourgeois qui allait bientôt triompher, certaines de ses poésies ne furent même pas publiées posthumes. « Je n’ai pas fait difficulté de supprimer des plaisanteries d’un goût peu délicat et divers traits d’une galanterie trop libre… » explique l’éditeur56. Dès la fin du XVIIe siècle la censure s’est exercée sur l’œuvre de Corneille avec d’autant plus de rigueur qu’elle était persuadée de son bon droit et de rendre service à la mémoire du défunt. Lentement mais sûrement, de bonnes âmes, à commencer par son neveu Fontenelle, censeur royal, ont arraché les différentes plumes de l'aigle que fut Pierre Corneille pour n’en conserver qu’une, la plus lourde et la plus grise57. Au final, s’est imposée cette figure maussade et contrite d’un « poète chrétien » seulement préoccupé de dilemmes, de devoirs et d’honneur – lui qui n’aimait que sa tranquillité et les jeunes filles. « Dieu qu’il avait aimé la beauté des femmes ! » constate le corneilliste André Le Gall 58.
Si le XVIIIe siècle n’avait pas été si dévot et le XIXe siècle d’esprit si "petit bourgeois", peut-être le XXe siècle aurait-il pu avoir la volonté de réhabiliter la mémoire de Pierre Corneille. Mais comment expliquer aux Français que la critique dévote l’avait dénaturé – et que, Voltaire, le grand Voltaire, avait pris un malin plaisir à minimiser son apport et à critiquer son génie poétique. La Harpe, qui fut le disciple de Voltaire, avouera que, jaloux du génie de Corneille, Voltaire est « le grand ennemi de Corneille »59. Comment à présent renverser la vapeur, comme l’on dit, alors que la grosse "machine Molière", à haute rentabilité et désormais institutionnalisée, avait fonctionné à plein temps et rempli d’aise ceux qui se contentent de l’idéologie de leur époque. Molière fait rire, Corneille est ennuyeux – tout est dit. Aimer Molière est politiquement correct, aimer Corneille ne l’est plus. En 2006, le Gouvernement français déconseilla de célébrer le quatrième centenaire de sa naissance60. Comme aux spectacles de Guignol, nous avons désormais un beau Molière qui bâtonne les vilains et, en repoussoir, un sentencieux Corneille qui n’a écrit que pour les rois ou, accessoirement, les forts en thème. Bien des intellectuels, des historiens, des écrivains ont mis en garde contre cette vision partiale, notamment Robert Brasillach dans son Corneille : « Si les auteurs de manuels littéraires lisaient les livres des époques qu’ils étudient (mais cela ne s’est jamais vu), ils découvriraient peut-être avec stupeur que nos grands écrivains ne sont pas toujours ce qu’ils semblent être, que leur corps et leur âme n’ont pas de très grands rapports avec cette image saugrenue que nous ont léguée les professeurs et les répétiteurs »61. Mais il n’y a pires sourds que ceux qui ne veulent rien entendre. L’affaire Corneille-Molière est donc le signal qu’il est temps de remettre les choses dans l’ordre de leur précellence. Les thèses défendues par Pierre Louÿs en 1919 et, après lui, par les cornéliens (à ne pas confondre avec les corneillistes et moliéristes officiels) sont les seules à rendre justice à Pierre Corneille qui avait, par avance, donné la clef de cette "affaire" en expliquant la vraie raison (autre que l’aspect financier et l’obéissance au Roi) de son association avec Molière, bouffon de Louis XIV :
« Et monté sur le faîte, il aspire à descendre. » (Cinna, II, 1).
Racine, qui connaissait mieux Corneille que nos critiques modernes, a eu cette réflexion très juste : « il faut connaître le cœur humain aussi bien que Corneille l’a connu pour avoir su dire de l’ambitieux, qu’il aspire à descendre »62. Car Corneille était fatigué de sa gloire si paralysante. Toujours il avait dit "non" à la censure exercée par le « bon goût », "non" à l’hypocrisie de la classe bourgeoise émergente. Mais comme il avait une famille à nourrir, il avait dit « oui » à Molière, et plus encore « oui » à ce Roi63 envers lequel son « associé »64 et lui étaient si dévoués.
Corneille n’a jamais abdiqué son génie protéiforme. L’art n’a pas à être "utile" ou "moralisateur" et « toutes les vérités sont recevables dans la poésie » avait-il courageusement affirmé64 – et vingt-cinq ans plus tard il a continué à proclamer le droit pour l’artiste d’être sa propre référence, même si, cette fois, il utilisait le Bouffon du Roi comme porte-voix. Et avec la même audace, après avoir inventé la bonne comédie, puis la grande tragédie, il a inventé la satire sociale.
Comment présenter aujourd’hui ce Janus du théâtre : sérieux et solennel, mais aussi frondeur et moqueur ? Comment le donner à entendre ou à lire en version non expurgée ? Le XXe siècle en a fait un fantôme qui n’a ni sang ni sueur, ni vertiges ni illusions à nous faire partager. On a pieusement assassiné Corneille et nous vivons tous, depuis, avec son cadavre – dont nous ne savons que faire.
Liens internet
Le site officiel de l'Affaire Corneille-Molière
Sur la polémique de l'attribution par le calcul de la distance intertextuelle :
"Corneille a ecrit 16 pieces representees sous le nom de Moliere"
Sur les travaux de l'universitaire Dominique Labbé :
"La distance intertextuelle et l’attribution d’auteur "
Autres :
"L'occasion perdue recouvrée", attribuée à Pierre Corneille
Notes et références
1- « Pierre Corneille » (1891), Etudes critiques sur l’histoire de la littérature, 1880-1907, 6ème série, p. 103.
2- Corneille, 1945.
3- Pour exemple, voici la profession de foi de l’"autheur" Desmarets de Saint-Sorlin :
Ce n’est pas pour toi que j’écris
Indocte et stupide vulgaire :
J’écris pour les nobles esprits ;
Je serais marri de te plaire. (Argument des Visionnaires, 1637)
4- D’Aubignac, Troisième Dissertation concernant le poème dramatique en forme de remarques sur la tragédie de M. Corneille intitulée l’Œdipe : Quatrième dissertation servant de Réponse aux calomnies de M. Corneille, 1663, pp. 23 et 118.
5- Baudeau de Somaize, Les Précieuses ridicules nouvellement mises en vers, 1660, préface, p. 16.
6- Corneille par lui-même, 1954, rééd. 1986, p. 81 et 82.
7- Plaisir à Corneille, 1936, p. 219.
8 - Lettre à Pierre Corneille, 10 février 1643.
9- Epître du Menteur (1644).
10- L’apport de Pierre Corneille dans le théâtre moliéresque est différent pour chaque pièce. Certaines sont presque entièrement de lui (Le Misanthrope, Amphitryon, Les Femmes savantes…). Pour certaines, il a une part majoritaire (Les Fâcheux, L’Ecole des Femmes, Tartuffe, Dom Juan…). Dans d’autres, il a apporté sa contribution dans des proportions toujours changeantes. Plusieurs auteurs ou tâcherons ont aussi participé à cette entreprise théâtrale que l’homme d’affaires Molière dirigea habilement : Neufvillaine, Edme Boursault, Donneau de Visé, Adrien de Subligny…
11- Lettre du sieur Claveret à Monsieur Corneile 1637.
12- « P. Corneille », in Revue des Deux-Mondes, 15 août 1888.
13- « L’Imposteur de Corneille et le Tartuffe de Molière », in Comœdia, 7 novembre 1919.
14- « Corneille », Les Œuvres et les Hommes, 1860-1909, T. XI. Les Poètes, 1889, p. 220.
15- Lettre à Pierre Corneille, 10 février 1643.
16- L’Illustre Théâtre (Leyde, 1644, édition elzévirienne), réunit cinq pièces de Pierre Corneille : Le Cid, Horace, Cinna, Polyeucte et la toute récente Mort de Pompée. Pour le moliériste Paul Lacroix, « nous ne doutons pas qu’on ne découvre, un jour, que l’Illustre théâtre des Béjart avait pris cette qualification ambitieuse, parce qu’on y représentait surtout les tragédies de Pierre Corneille, qui furent réimprimées alors par les Elzevier de Leyde, avec le titre de l’Illustre Théâtre de M. Corneille (suivant la copie imprimée à Paris, 1644, petit In-12). » Iconographie moliéresque, 1876, p. 75. Et Paul Lacroix conclut : « Il est bien certain que l’Illustre Théâtre ne jouait que la tragédie et la tragi-comédie. L’Illustre Théâtre de M. Corneille, dont on ne connaît que l’édition elzevirienne suivant la copie imprimée à Paris en 1644, renfermait seulement le Cid, Horace, Cinna, Pompée et Polyeucte ; on y ajouta depuis Héraclius et Rodogune ; c’étaient là les pièces que la troupe des Béjart avait d’abord représentées. »
17- « Molière à la foire de Rouen en 1643 », in Le Moliériste, 1879, n° 3, p. 79.
18- Dictionnaire de l’ancienne langue française du IXe au XVIe siècles, Frédéric Godefroy, 1888, article « molierer ». Cf. aussi notre étude "L'Origine et la signification du nom Moliere", sur le site corneille-moliere.org
19- Grimarest, Vie de Monsieur de Moliere, 1705.
20- Baudeau de Somaize, Les Précieuses ridicules nouvellement mises en vers, 1660, préface, p. 16.
21- Corneille, 1958, p. 49.
22- Correspondance privée, avril 2009.
23- Corneille, en son temps et en son œuvre, 1997, p. 285.
24- Histoire de la littérature française au XVIIe siècle, 1997, T. 1, p. 565.
25- Corneille, en son temps et en son œuvre, 1997, p. 313.
26- Molière utilise le mot « emploi » dans son Premier Placet au Roi. Pour Georges Couton, « le mot emploi a toujours une coloration officielle et ne peut pas désigner, je crois, la simple vocation de comédien. C’est que Molière est déjà un personnage officiel » Molière, Œuvres complètes, Bibliothèque de La Pléiade 1971, T. I, p. 1331.
27- Idem, p. XXVII.
28- La Vengeance des marquis (1663), scène 3.
29- Corneille ou la vie méconnue du Shakespeare français, 1984, p. 177.
30- La Vieillesse de Corneille, 1658-1684, 1949, p. 29.
31- Troisième Dissertation concernant le poème dramatique en forme de remarques sur la tragédie de M. Corneille intitulée l’Œdipe : Quatrième dissertation servant de Réponse aux calomnies de M. Corneille, 1663, pp. 23 et 118.
32- cf. Denis Boissier, « Boileau, d’Aubignac, La Fontaine dévoilent la collaboration Corneille-Molière », sur le site corneille-moliere.org.
33- Œuvres complètes de Molière, éd. critique Gustave Michaut, 1947, T.V, p. 202.
34- « Corneille est-il l’auteur d’Amphitryon ? » in La Revue Bleue, novembre 1919, p. 685.
35- Corneille, en son temps et en son œuvre, 1997, p. 473.
36- Lettre en vers à Monsieur, 26 novembre 1672.
37- « A propos de Pulchérie » in Onze études sur la vieillesse de Corneille, Collectif, 1994, p. 93. Le thrène grec était un chant funèbre.
38- Lettres à Louis Lachèvre.
39- Petite histoire de la littérature française, 1965, p. 93.
40- Etudes critiques sur l’histoire de la littérature française, 1891, T. II, p. 99.
41- Pierre Corneille, 1918, p. 341.
42- Corneille par lui-même, 1954, p. 7.
43- Dans « Madrigal », poésie dédiée à Mlle Serment, une jolie poétesse dix-sept ans.
44- Niceron lui attribue plusieurs textes anonymes publiés durant la « Querelle du Cid » : L’Ami du Cid à Claveret (1637), la Lettre à *** sous le nom d’Ariste (1637), la Réponse de *** à ***, sous le nom d’Ariste (1637), la Lettre du désintéressé au sieur Mairet (1637), L’Avertissement du Besançonnais Mairet (1637). Niceron n’est guère fiable, mais il en savait bien plus que nos critiques modernes. Il est probable que Le Jugement du Cid composé par un bourgeois de Paris, marguillier de sa paroisse (1637) est de Corneille, peut-être en collaboration avec Charles Sorel, le prétendu auteur du célèbre roman Francion, roman qui pourrait bien, pour ses sept premiers chapitres, être le fruit de la collaboration des deux hommes, alors jeunes artistes inconnus.
45- L’érudit Frédéric Lachèvre attribue aussi à Corneille les premiers « livres » de La Vraie histoire comique de Francion. Cf. Nouvelles glanes bibliographiques et littéraires, 1933 (chapitre « Corneille et Francion »).
46- cf. Corneille, en son temps et en son œuvre, 1997, p. 121.
47- Note manuscrite (collection privée).
48- La Défense d’Yvelin, sous le titre Apologie pour l’auteur de l’Examen de la possession des Religieuses de Louviers, est consultable sur le site Gallica.fr. Pour une analyse de ce texte, voir notre thèse inédite, Molière, Bouffon du Roi et prête nom de Corneille (2007).
49- « Une pièce inédite de Corneille » in Les Nouvelles littéraires, 14 mars 1946.
50- La Mort de Solon, pièce attribuée par Elizabeth M. Fraser à Pierre Corneille, 1949, (à compte d’auteur). Miss Fraser finit par conclure, après une triple analyse syntaxique, linguistique et biographique, que cette pièce est de la main du grand dramaturge : « Si son auteur – dans sa modestie infinie – n’a pas jugé La Mort de Solon susceptible de remporter un succès théâtral, elle n’en sort pas moins de son atelier, et la main qui la traça était encore dans toute la force de sa maturité. » (p. 25).
51- Voir ma thèse inédite, Molière, Bouffon du Roi et prête-nom de Corneille (2007). Sur l’attribution de L’Occasion perdue recouvrée à Pierre Corneille lire l’essai de Paul Lacroix, L’Occasion perdue recouverte par Pierre Corneille, accompagnée de notes et de commentaires avec les sources et les imitations qui ont été faites de ce poème célèbre, 1862. Cet ouvrage est consultable sur : books.google.fr
52- « Molière est-il l’auteur de L’Innocence persécutée », Journées internationales Molière, in Revue d’Histoire du Théâtre, 18-21 juin, 1973, pp. 74 et 76.
53- Ôte-moi d’un doute, l’énigme Corneille-Molière, 2006, p. 236.
54- Selon la formule de celui qui fut leur chef de file : Georges Monval, in revue Le Moliériste, n° 1, 1879, p. 3.
55- Napoléon tel quel, 1969, p. 158.
56- Préface des Œuvres diverses de Pierre Corneille, 1738.
57- Le premier a avoir méthodiquement édulcoré ou censuré la vie et la carrière de Corneille fut son neveu Fontenelle. Il était censeur royal et, dès lors, il était hors de question que Corneille ne soit pas un poète « très-chrétien ». C’est Fontenelle qui imposa à Grimarest, auteur en 1705 de la première hagiographie de Molière, de passer sous silence les rapports qu’entretinrent si longtemps le comédien-farceur et le poète-frondeur.
58- Corneille, en son temps et en son œuvre, 1997, p. 532.
59- Lycée, ou cours de littérature ancienne et moderne, 14 vol., T. V, p. 168.
60- Le défunt académicien Jean-François Deniau s’en plaignit dans un article que le journal L’Express ne publia pas, mais qu’il finit par mettre en ligne : « Corneille, objet de mon ressentiment » (sur le site L’Express, vendredi 26 janvier 2007).
61- Corneille, 1938, p. 74. L’ouvrage a été réédité en 2006.
62- Louis Racine, Mémoires contenant quelques particularités sur la vie et les ouvrages de Jean Racine, 1747, in Œuvres de J. Racine, éd. Paul Mesnard, 1865, T. I, p. 282. Egalement Louis Racine, Vie de Jean Racine, 1747, éd. Les Belles Lettres, 1999.
63- Dans le « Au Lecteur » de son Œdipe, Corneille affirme que le Roi lui a demandé par « des ordres tacites, mais pressants, de consacrer aux divertissements de Sa Majesté ce que l’âge et les vieux travaux m’ont laissé d’esprit et de vigueur ». Pour quelle raison emploie-t-il le terme « divertissements », qui signifie récréations ou plaisirs, et qui, d’après la critique moderne, ressemble si peu à l’auteur d’Horace et bientôt d’Othon ? D’abord parce que c’est très certainement le mot qu’a utilisé le Roi. Ensuite, parce que le Roi exigeant d’être servi par les meilleurs artistes de son royaume, Corneille a pris conscience de la nouvelle carrière qui s’offre à lui. C’est comme s’il anticipait Psyché (1671), qui sera l’apothéose de sa collaboration (plus gros budget, plus gros succès, plus grosses recettes – et Sa Majesté ravie).
64- En février ou mars 1673, dans sa quatrième lettre à Pierre Corneille, François Davant utilise à propos de Molière les expressions « votre associé » et « votre second ». Cf. Hubert Carrier, « Le théâtre au secours de l’apologétique : Corneille et Molière revus par François Davant », in L’Art au théâtre, Mélanges en hommage à Robert Garapon, 1992.
65- Dans la Préface d’Héraclius (1647).
Petite bibliographie sur Corneille "en version intégrale"
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